Le Système poétique des éléments vient de paraître aux éditions
Invenit, regardez sous le lien. Il contient comme il se doit 118
éléments. J’en suis un.
samedi 30 novembre 2019
lundi 18 novembre 2019
Écrase ma prune sur ton genou
– Écrase ma prune sur ton genou que son noyau au grand jour
paraisse, que mon jus à ton poil se lie.
–
Sois si près de mon œil des deux yeux fondus, prends la plus longue
lèvre, trouve ce que la gousse cache de grains, dis-m’en le
nombre.
–
Garde mon sein dans ta main, suce l’autre dans ta bouche, tiens les
deux, lèves-en un, suce l’autre.
–
Fends ma figue du tranchant de ta main que la partie gauche de la
droite s’écarte, que dans l’écart l’ergot darde.
–
Sois en moi, passe l’os, dis bonjour à ma pondeuse, dis coucou à
mon œuf, il se cassera demain.
–
Ramone ma moelle jusqu’à la tête, porte en avant puis en arrière
pour mieux avancer comme fait la grande balançoire.
–
A califourchon j’irai plus vite, demain sur ton genou poilu,
cheval, à cheval sur ton dos et mes lèvres à la pointe de tes
vertèbres, j’irai plus vite.
Gruche
copule avec Matelin et cela fait de nombreux Gruche-Matelin dont une
branche donne des académiciens et des régisseurs et une autre des
coquins et des maquerelles à profusion, certains muets ou sourds et
d’autres aphasiques ou apraxiques. Mignon se lie avec Uranie, une
Uranie-Mignon est alpiniste dans les massifs rocheux de Ligurie. Une
Flambonne-Ivry eut quinze fois en vingt ans douzaine de garçons qui
forment à présent des bandes de cambrioleurs-violeurs portant son
nom de jeune fille et sévissant en Russie dans la province de
Krasnoïark…
et
les familles s’organisent, le père parle au chien…
–
Merde puante, insiste-t-il sur chaque consonne, donne-moi donc ton
glaive, frère humain, merde puante, donne-moi donc ton glaive, que
je tranche de ma dextre la tête du serpent, donne-moi mes cisailles,
frère humain, qu’enfin je me sépare de ses œufs et que la
douleur m’envoie au ciel comme pétard d’artifice. Ah, malheureux
que je suis ! Les potiers ne font plus de ces grands canthares,
mais de petits et de bien polis, comme si c’était le vase et non
le vin qu’on dut avaler.
Eugène
Savitzkaya, Ode au paillasson, « Peuples
périssables », éditions Le Cadran ligné, 2019.
samedi 16 novembre 2019
(Mon) enfance de la littérature
Alors dans la série Enfance de la littérature, j’ai été
interviewé sur Radio Ritournelle pour parler de mon enfance de la
littérature. C’est un sujet qui m’intéresse, j’ai deux ou
trois choses à dire dessus, et même à raconter. On peut m’écouter
en cliquant sur ce lien :
Et
demain dimanche, je serai toute la journée au Salon desEssarts-le-roi (à la salle polyvalente de la mairie, rue du 11
novembre), avec quelques-uns de mes titres.
dimanche 10 novembre 2019
Il faut bien que les gens vivent.
En phrases décousues, nous avons expliqué que les travaux causaient
beaucoup de bruit et de poussière, il fallait voir notre jardin, on
était complètement envahis, ce n’était pas possible.
–
On termine demain, a répondu Arnaud sur le ton cordial dont il ne se
départait jamais, après on nettoie tout.
C’était
un bon commerçant. Il savait amadouer la clientèle. Puis Annabelle
a renchéri :
–
Il faut bien que les gens vivent. Si vous aviez eu des enfants, vous
sauriez ce que c’est que la vie.
J’ai
songé à la fraction identique d’humanité et, de moi-même, je
l’ai mise sur le compte de mon imagination. Un brouillard se
formait devant mes yeux. Ce devait être la faim, la fatigue. Je ne
me sentais plus très bien lorsque, à travers une épaisseur de
coton, je t’ai entendu menacer :
–
Écoute-moi bien, salope : soit tu te calmes, soit c’est moi
qui vais te calmer.
Les
Lecoq n’ont pas bronché. Ils nous ont toisés. Un léger sourire
de mépris ou d’autre chose a flotté sur les lèvres d’Arnaud.
Et très lentement il a refermé la porte, la retenant une dernière
seconde avant de la claquer sous notre nez.
Julia
Deck, Propriété privée, Minuit, 2019.
jeudi 7 novembre 2019
Dans la nuit du 4 au 15, je demande le 7.
« Evidemment, c’est une question de verre à moitié vide ou
plein, on n’en a jamais fini avec cette vaisselle : le
calendrier aussi bien est une maternité à ciel ouvert, une infinie
couveuse, trois cents pipettes pleines de gamètes, une ode à la
sève.
Prenez
le 7 novembre : certes, décanillent Steve McQueen (son cœur
s’arrête dans son sommeil, en 1980, au Mexique), Lawrence Durrell
(même chose dans le Gard, dix ans plus tard) et Leonard Cohen, mais
regardez un peu qui rapplique, que des cadors : un mystique
maniériste, Zurbaran, un navigateur intrépide, James Cook, un
magicien ès lettres Villiers de l’Isle-Adam, la radieuse Marie
Curie, cette tête de pioche de Léon Trotski, l’absurde Albert
Camus, n’en jetez plus, tout ce qu’il faut pour faire un monde »,
nous apprend Didier da Silva ; or à ce monde il manquait encore
un livre, que Quidam a résolu de faire paraître précisément le 7
novembre, mais 2019, l’année compte pour du beurre, écrit par ce
même Didier da Silva, « dans la nuit du 4 au 15 »
répondra-t-il à la récurrente question « quand
écrivez-vous ? », livre dont, sans aucun calcul, j’achève
à l’instant la lecture, en ce même 7 novembre 2019 encore,
ajoutant à cette date ma propre aventure de lecteur. Vous avez saisi
l’idée : depuis l’Ironie du sort (paru chez l’Arbre
vengeur en 2014), Didier da Silva attrape l’infini par un pan de sa
chemise, et tire dessus, pour voir.
dimanche 3 novembre 2019
Un libraire impromptu
Demain, c’est la rentrée. Je vais retrouver mes élèves, éternels
6e notamment depuis des années ; je ne vous dirai
pas combien. J’en parle rarement sur ce blog, dévolu à une autre
activité ; en effet il y a la plupart du temps, et je le
déplore, trop peu de relations entre l’enseignement du français
en collège et la littérature contemporaine. Il arrive pourtant que
les deux se croisent, et parfois de façon tout à fait impromptue –
on ne saurait mieux dire. Il s’est ouvert à l’hiver dernier, au
48 rue Sedaine dans le 11e arrondissement de Paris, une
librairie ainsi nommée que j’ai découverte il y a quelques
semaines à l’occasion d’une rencontre en l’honneur du
quarantième anniversaire des belles éditions Verdier. Or voici que
le maître des lieux et hôte de la rencontre me regarde avec
insistance, avec un sourire qui, mais oui, je connais ce visage, mais
bon sang, où donc ? avant de m’appeler « Monsieur
Annocque ». Or s’il arrive parfois qu’un libraire me
reconnaisse, c’est plutôt « Philippe Annocque » qu’il
interpelle. C’est que Jérémie Derny n’avait pas l’habitude de
m’appeler autrement lorsque, dans une autre vie, je fus son
professeur de français en 6e. C’était, avouons-le, il
y a plus de vingt ans, et pourtant je me rappelle parfaitement sa
bonne humeur sans faille et son enthousiasme, que m’avait annoncés
son grand frère que j’avais en classe l’année d’avant –
l’une de ces phrases qui se gravent dans la mémoire d’un
professeur. Cette bonne humeur et cet enthousiasme de Jérémie, il
est pour vous aussi maintenant, si vous passez par la rue Sedaine,
même le soir, par exemple jeudi prochain pour y écouter Sébastien Smirou et Yaël Pachet. Quant à moi, je le remercie de réconcilier
mes deux métiers, et souhaite un bel avenir à l’Impromptu.
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