Monsieur et Madame
Martinet eurent six enfants mais ils devinrent tous adultes.
dimanche 29 avril 2018
samedi 28 avril 2018
vendredi 27 avril 2018
père repère
Débarqué
est le nouveau livre de Jacques Josse qui vient de paraître
aux éditions de la Contre Allée. « Débarqué » dit en
un mot l'état de cet homme qui, pour raison de santé, n'a jamais pu
s'embarquer comme son capitaine de père, breton bien sûr, et qui
n'a pu voyager que dans ses rêves et dans les livres. Cela quand il
ne n'était pas occupé à gagner sa vie et celle de sa famille en
remettant le courant à ses voisins qui le perdait sans cesse –
électricien qu'il était devenu dans le hameau un peu perdu qu'ils
habitaient. De ce hameau on croise aussi les habitants qui, eux, trop
souvent, croisent la mort. La mort bien sûr parce que le temps
passe, on sent grandir le jeune Jacques, oui c'est lui qui raconte,
Jacques Josse, qui évoque plutôt qu'il ne raconte la figure
paternelle ; mais quand même la mort est là un peu plus
présente qu'ailleurs, c'est comme ça quand les vies ne sont pas
faciles. Celle du père non plus ne l'est pas, mince et frêle
silhouette de héros hanté par le haut mal, régulièrement terrassé
par ses crises et s'accrochant à la terre, solidaire de tous malgré
tout, solide quand même en fait, on s'en rend compte peu à peu, car
il dure, droit comme un phare dans la tempête, comme le repère
qu'il ne cesse d'être même quand il a cessé d'être.
jeudi 26 avril 2018
Nouvelles très brèves (1)
Comme elle était en
retard de dix minutes à notre rendez-vous, pendant que je
l'attendais j'ai écrit un recueil de nouvelles très brèves.
Celle-ci est la première.
vendredi 20 avril 2018
Abiographie d'un auteur effacé : la Dissipation, par Nicolas Richard
Parler
de son sujet ce n'est vraiment pas parler du livre, me dis-je en
refermant ce livre-ci qui, si j'en résumais son contenu en trois
mots, pourrait faire penser à ce livre-là, alors qu'il n'y a pas
plus éloigné, non il n'y a pas plus éloigné de Toutes les pierres de Didier da Silva que la Dissipation de Nicolas
Richard ; même si les deux évoquent des figures d'écrivains,
vraiment j'insiste : rien à voir – sauf à dire le plaisir
que chacun très différemment m'a procuré ; foin de l'apparent
sujet, je suis le seul point commun (c'est le lot du lecteur).
La
Dissipation en revanche ne cache pas sa référence à la
Disparition, un sipa y remplace un pari ; Nicolas Richard en
effet en fait un autre. Car c'est moins la lettre que l'être qui
dans la Dissipation non pas disparaît mais en effet se
dissipe, au point que du nom l'écrivain ne reste que l'initiale, de
l'être demeure la lettre, bien sûr que c'est un P, bien sûr que
non ce n'est pas Perec ; l'auteur de ce livre est aussi
traducteur, je vous laisse chercher qui se dissipe, c'est facile. Car
le traducteur ne veut pas trop en dire, je parle à présent de celui
qui dans ce livre parle, c'est aussi l'un des personnages, traducteur
de P soucieux de préserver l'effacement de son auteur, en
correspondance avec une étudiante en thèse, mais l'est-elle
vraiment ? Roman d'espionnage est-il précisé sous le
titre et à la lire c'en est un, tous les ingrédients y sont.
D'autres voix font rumeur autour de P, dont celle de « celui
qui va trop loin », par les yeux duquel le roman d'espionnage
le redevient au pied de la lettre.
La
figure de l'écrivain est un trou noir, jusqu'à quel point P en joue
nul ne peut le dire. Il y a aux Etats-Unis une mise en scène de
l'écrivain à laquelle certains sont tentés de résister, comme on
les comprend ; en Europe aussi sans doute mais la mesure y est
moindre. Ce P qui refuse d'apparaître n'en devient que davantage un
centre de gravité des fantasmes ; le plus anodin détail, la
plus banale anecdote s'y pare soudain de l'aura des mythes, résonne
comme un oracle sibyllin. L'abiographie de l'auteur effacé devient
l'un de ses plus fameux roman : son traducteur Nicolas Richard
l'a traduit.
jeudi 12 avril 2018
Relis-toi.
J'ai
écrit ça, je croyais que c'était bon mais à la relecture c'était
mauvais. Alors j'ai laissé reposer et puis je l'ai réécrit et là
j'avais vraiment l'impression que c'était bon mais à la relecture,
eh bien c'était mauvais. Donc j'ai laissé reposé, et puis j'ai
tout remis à plat et puis je l'ai réécrit mais alors complètement
différemment et alors là j'avais vraiment l'impression que c'était
bon, mais quand je l'ai relu le lendemain en fait c'était quand même
mauvais. Je crois que je vais le laisser reposer un peu et puis
j'essaierai de le réécrire.
mardi 10 avril 2018
vivre de soi-même
Je
poste ça là, bien que ça n'ait a priori aucun rapport avec la
littérature – plutôt avec la botanique, une autre littérature
pour moi. C'est une photo, prise à l'instant, d'une grosse branche
de saule, de Salix erythroflexuosa pour être précis, en
début de feuillaison. Ce serait parfaitement compréhensible en
cette saison si cette branche, je ne l'avais pas sciée moi-même, à
la fin de l'été dernier, et laissée dans le jardin où, je
précise, elle ne s'est pas enracinée (je l'ai déplacée moi-même
il y a un mois et demi à peu près). Elle vit donc encore, toute
seule ; elle vit d'elle-même.
samedi 7 avril 2018
Vers Quélen
Dominique
Quélen est le récent auteur de deux livres qui pour ne pas être
parus chez le même éditeur (le premier l'est chez mes chères
éditions Louise Bottu, qui confirment leur bon goût, l'autre dans
la précieuse collection Poésie des éditions Flammarion) n'en sont
pas moins jumeaux, comme leurs titres, Avers pour l'un, Revers
pour l'autre, ne le cachent pas. Évidemment « jumeaux »
ne veut pas dire « mêmes », vous en connaissez sans
doute chez les humains, chez les livres c'est pareil. Mais il y a
entre eux une affinité intérieure, de page à page. Par exemple,
comme à la page 46 d'Avers je lis ceci
j'ouvre
Revers à sa page jumelle, 46 aussi donc, pour y lire cela
Mais
ne vous y trompez pas. Ce que je vous dis là n'est qu'une piste, et
la lecture de l'un ou de l'autre peut suffire à sa lecture, si ce
n'est que celle-ci ne sera pas la lecture des deux – voire des
trois, car je lis en quatrième de couverture de Revers que
celui-ci achève ce que, peut-être abusivement, j'appellerai un
cycle non de deux, mais de trois, car il me manque le premier, Basses
contraintes, paru celui-là aux éditions Théâtre
Typographique.
lundi 2 avril 2018
Traversée d'océan, de chevaux et de taureaux ; moutons sur l'Atlantique
Traversée
est à ma connaissance le premier livre de Francis Tabouret, récemment
paru aux éditions POL. C'est un livre qui ne raconte presque pas. Un
peu quand même : la traversée de l'Atlantique, d'un homme
chargé de convoyer des chevaux, des taureaux, des moutons, de la
métropole aux Antilles, sur un porte-container, équipage
mi-français mi-philippin ; le Fort-Saint-Pierre. Entre les
deux, l'océan. Il ne se passe rien que ce qui doit se passer. Pas de
rebondissements, pas d'intrigue : les professionnels connaissent
leur métier. Une fois le bateau parti, il n'y a plus comme événement
que l'unique et rituelle ouverture de la « cave » :
chacun y fait ses achats. Ça se passe donc comme ça doit se passer.
Et tout cela est dit sans esbroufes. C'est un journal, il y a les
dates, les lieux, du 24 septembre au terminal à containers
Moulineaux de Rouen, jusqu'au 8 octobre, à la Pointe des Grives à
Fort-de-France. La langue est plutôt élégante mais factuelle. Même
pour dire ce qui est ressenti, elle s'emploie à dire ce que sont les
choses – occurrences nombreuses du verbe être, notamment en début
de fragments : « La mer est une plaine », « Le
bateau est un monde de ponctualité et de routine » et en
approchant de la côte – de la fin « La perte de l'horizon
est un deuil ». Et c'est là, peut-être, au moment de le
refermer, qu'on prend conscience de ce qui fait la force de ce livre
discret : on y serait volontiers resté encore, on est un peu
triste qu'il soit fini. On s'y était attaché, aux taureaux, aux
chevaux, même aux moutons. D'ailleurs c'est vrai, en fait, tout au
long de la lecture, on ne l'a pas lâché un instant, ce livre.
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