lundi 8 juillet 2024

samedi 6 juillet 2024

court toujours (270)

Quand tu trouves plutôt tiède le candidat pour qui tu vas quand même voter alors que d’autres le traitent d’extrémiste, ça veut dire que tu es quoi ? Exorbitiste ?




mercredi 3 juillet 2024

Le dernier rêve d’Emily Dickinson

« Mais j’étais encore très jeune, presque une enfant, et pour la seule et unique fois de ma vie j’ai louché vers la reconnaissance et la gloire – et plus jamais depuis, je vous le jure. De plus, j’avais grand besoin d’un véritable interlocuteur, j’y aspirais profondément : quelqu’un qui puisse me comprendre et m’aider à progresser. Je ne l’ai pas trouvé ; cela aurait pu être un grand coup, un coup fatal pour quelqu’un comme moi qui avait décidé qu’il n’y a pas d’autre vie, si ce n’est cette unique et (admettons-le enfin) assez affligeante occupation. S’occuper de poésie est un genre de mort et plus vite nous nous en rendons compte, mieux c’est. Moi, je l’ai compris tôt, je crois. »

C’est Emily Dickinson qui parle mais c’est Stamatis Polenakis qui lui donne la parole, dans une traduction (du grec) de Myrto Gondicas. Le dernier rêve d’Emily Dickinson est un minuscule bijou publié l’an dernier par Quidam dans sa collection « Monade » – dont il est, je crois bien, le seul titre à l’heure actuelle.



mardi 2 juillet 2024

La brave bête du coin

Je viens de lire quasi d’une traite La brave bête du coin, de Joao Gilberto Noll et traduit du portugais (portugais du Brésil) par Dominique Nédellec pour les éditions DO. Le livre est paru en 2018, peu après le décès de l’auteur.

C’est juste extraordinaire. De cet extraordinaire qui laisse peu de place au commentaire, comme c’est souvent le cas des livres publiés chez DO. Un récit bref, dont la brièveté même fait sens : le temps y passe si vite que le narrateur même – c’est un récit à la première personne – ne le voit pas passer, sauf à en voir les ravages chez les quelques personnes qu’il côtoie. Il est lui même porté par les événements, bien plus agi qu’acteur, sans prise sur le monde qu’il entoure et quasi sans compréhension, et dans l’acceptation de sa condition. Il faut dire qu’il est chanceux, ou peut-être pas. Mais il vaut mieux le lire. Ça commence comme ça – et déjà le temps passe vite :

« Un jus noir me dégoulinait des mains sous le robinet, je venais de perdre mon boulot, je disais adieu à ce cambouis pas facile à enlever.

Un jus noir qui dégoulinait, trois mois ont passé depuis, et j’ai pris l’habitude de tuer le temps en traînant en ville, léger abattement en me voyant dans le miroir d’une pissotière, mais rien qu’un garçon de dix-neuf ans ne puisse dissiper en marchant encore un peu. »





vendredi 28 juin 2024

mercredi 26 juin 2024

Pour l’anniversaire de l’héroïne des Singes rouges

Aujourd’hui, je suis allé embrasser l’héroïne des Singes rouges, puisque c’est ma mère et que c’était son anniversaire. (Les Singes rouges, c’est donc un livre, mon dernier paru chez Quidam, en 2020, une semaine avant le confinement, avec les conséquences que l’on devine). Alors j’ai envie de partager ce souvenir-ci, qui est précisément celui de son anniversaire, le quatrième, au début des années 30, à Régina, au bord de l’Approuague, en Guyane.


Recevoir un cadeau


Puis ils sont partis pour Régina, dans la brousse.

Régina, c’était la brousse. Il lui a toujours entendu dire ça : la brousse. C’était la brousse et ça s’appelait Régina.


Pour lui, Régina aussi est le nom de l’enfance de sa mère.


C’est là qu’elle a eu quatre ans.

Les autres souvenirs, racontés jusque là, ce sont des souvenirs d’avant quatre ans. Dans la famille, on se souvient même de la toute petite enfance.


Ce jour-là, le jour de ses quatre ans, elle a reçu une poupée en porcelaine. C’est sa marraine qui la lui avait envoyée par la poste, par bateau, depuis la Martinique.

La boîte dans laquelle elle était rangée représentait son armoire. Il y avait tout son trousseau.

Quand elle l’a eue dans les mains, elle était si belle, elle était si belle, elle était si belle qu’elle l’a laissée tomber. Elle s’est cassée. Elle était en porcelaine. C’est le premier joli cadeau dont elle se souvienne.





mardi 25 juin 2024

Quelques Dialogues intérieurs à la périphérie, de Peter Handke

Comme je lis (notamment) les Dialogues intérieurs à la périphérie, de Peter Handke, que les éditions Verdier viennent de publier dans une traduction de Laurent Margantin, je vous en recopie quelques-uns avant que vous ne vous envoliez avec l’été. Ma lecture est inachevée, et j’aime que Handke laisse chaque note sans point final. (Parfois les textes qu’on recopie d’autrui parlent encore mieux de soi que ceux que l’on écrit.)



« Le claironnement des foulques dans tous les sens sur l’étang de la forêt, comme dans un match de ping-pong (plutôt paisible) »


« « Beaux dormeurs » : dessine les dormeurs dans les trains de banlieue, dans le bus, dans le métro »


« Quand la fourmi resta un moment sur mon genou, il s’appela un moment, « colline de la fourmi » »


« Le vestibule du demi-sommeil »


« Où sont passés les enfants qui écrivent dans l’air ? »


« « Tu te laisses aller. – C’est le chagrin. – Ce n’est pas du chagrin si tu te laisses aller » »


« Toi, scribe, tu es un démon ? – Oui, quand je suis scribe, quand je suis en train d’écrire – quand c’est mon métier. Mais je suis un démon pacifique, au-delà du Bien et du Mal »


« De l’intérêt de ce qui est usé jusqu’à la corde : je vois la structure et comment c’est fait »


« « Superstition » : en marchant, j’aide une personne absente dans le besoin marcher ; je l’aide à se mettre debout »


« « Quelle est la morale de ton histoire ? – L’histoire » »




lundi 24 juin 2024

Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 32

Messerschmied retourna chez Brunnen. Il fit preuve de curiosité, encore une fois. La curiosité encore une fois perdit Messerschmied. Plus précisément : la curiosité perdit le pantalon de Messerschmied. Il aurait préféré que ça ne sache pas.

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dimanche 23 juin 2024

Abécédaire du dimanche (conversationnel)

À bâtons cassés, discutons ensemble. Faisons grandement haute interlocution. Jacassons kermesse. Les mots n’osent pas questionner rien. Se taire : ultimes vocalisations warapu, xoclengue, yonaguni, zapotèque.



vendredi 21 juin 2024

Une énigme (très simple)

1 deux

2 quatre

3 cinq

4 six

5 quatre

6 trois

7 quatre

8 quatre

9 quatre

10 trois

11 quatre

12 cinq

13 six

14 huit

15 six

16 cinq

17 sept

18 sept

19 sept

20 cinq

jeudi 20 juin 2024

Sa franchise

« où est la lumière »

sa franchise se met à mal

le mystère n’est-il pas une accalmie

sans entrave au rez-de-chaussée

       un moment hors d’haleine

une q. ne s’adresse pas à elle-même

le paradis est un lieu qui commence

l’histoire des oiseaux se plaît d’ailleurs

plutôt bien en enfance

des chiens grands comme des maisons

       un rêve-fronde qui gronde

c’est d’ailleurs tout le problème

       la plupart nous avaient obligés

la météo et les étoiles-semence

certains approuvaient l’initiative


Philippe Di Meo, Enjambées, Bruno Guattari éditeur, 2024




mercredi 19 juin 2024

court toujours (268)

Dans un parti de gauche, il ne saurait y avoir de « chef ». C’est l’une des différences essentielles entre gauche et droite – et un message à faire passer.


mardi 18 juin 2024

le sens des mots des gens

Il se retourna et vit que Silbano désignait un point diffus sur le mur – un autre point, pas le même – et que, de l’autre bras, il semblait lui demander quelque chose avec insistance. Le détective commença par ne pas comprendre ce qu’il voulait. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu’il lui demandait la loupe. Mais il ne l’avait plus. Il essaya de lui dire qu’elle se trouvait sur une brique à ses pieds, c’est-à-dire aux siens et à ceux de l’assistant, puisqu’ils étaient très proches l’un de l’autre, mais Silbano ne l’écoutait pas, il était trop occupé à marmonner des mots en désordre qui se percutaient comme des auto-tamponneuses avant même de former l’esquisse d’une phrase. Le détective pensa alors au sens des mots des gens et se dit que le donner pour acquis était peut-être une erreur. Parfois, le sens des mots des gens n’avait pas de sens. Ou alors si, il en avait, mais uniquement pour celui qui parlait, ce qu’il trouva triste. Il se mit alors à désigner de la main la brique où se trouvait la loupe, mais son geste dut manquer de l’emphase suffisante, car son assistant ne se sentit pas concerné.


C’est un extrait de Palais mental, de Guillaume Contré, paru l’an dernier aux belles éditions MF. C’est un très beau palais ; on s’y sent comme chez soi : dans la plus parfaite incompréhension de chaque chose – mais l’enquête continue.



lundi 17 juin 2024

Le Contrat, par Franz Franquin et André Kafka, épisode 31

Lorsque, quelque temps plus tard, Messerschmied voulut reprendre contact avec les établissements Brunnen, le téléphone sonnait occupé. Il réitéra plusieurs fois sa tentative, sans succès.

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dimanche 16 juin 2024

Abécédaire du dimanche (présidentiel)

« Assez bamboché ! » clama derechef Emmanuel. Faraud, glamour, héroïque, il jobardait kilotonniquement, le Macron, nouvellement opté président. Quelques rues se traversèrent… Un vrai whig xyloglotte, yuppie zeusien !




jeudi 13 juin 2024

Pour une VIe République

Alors imaginons, puisque nous ne manquons pas d’imagination, que la gauche remporte les prochaines législatives (je dis la gauche surtout pour le plaisir, car la question qui me traverse devrait traverser n’importe quel électeur, quel que soit son bord). Va-t-on se contenter de revoir les réformes injustes ? Ou bien va-t-on essayer d’aller un plus loin ? Le président s’est fait détester – même si lui ne semble pas s’en rendre compte – d’une majorité d’électeurs. J’emploie à dessein ce verbe excessif, car s’il vaut en grande partie pour Macron, n’a-t-il pas valu en son temps aussi pour Hollande ? N’a-t-il pas valu pour Sarkozy ? Va-t-on se contenter d’un « tous des cons » (ou « tous des salopards » si vous voulez) sans regarder un peu plus loin ? Nos institutions ne portent-elles pas en germe cette détestation présidentielle ? Qu’est-ce qui nous garantit qu’elle épargnerait un nouveau président (au cas où, par exemple, « surpris » et « déçu » par le résultat des législatives, l’actuel président déciderait de donner sa démission) ? Depuis 2002, qui a vu l’élection d’un président à moins de 20 % des suffrages exprimés (à l’exclusion – injustifiée et injuste – des votes blancs ou nuls), on sait que le président ne représente plus du tout la majorité. Les présidents de la Ve République ont tous été mal élus : Hollande a juste servi de chasse-clou pour extirper Sarkozy (paradoxalement et cyniquement le moins mal élu) ; quant à Macron, il a tout fait pour la montée de l’extrême-droite dans le seul but de la battre au second tour – c’était plus sûr à ses yeux que face à un candidat de gauche ou de la droite modérée. On voit aujourd’hui le résultat. Mais le résultat, c’est qu’on tient peut-être aujourd’hui l’occasion de faire bouger les choses. L’heure de la VIe République – une République plus démocratique, une République sans cet arrière-goût de monarchie hypocrite dans lequel nous baignons – pourrait avoir sonné.



mercredi 12 juin 2024

court toujours (267)

L’union de la gauche est indécente, déclare le président, qui en effet s’y connaît en matière d’indécence.