Frédéric Beigbeder est gentil. Je m’étais dit que je n’allais pas en rajouter à propos de son article sur l’Auteur et moi d’Eric Chevillard parce que Claro s’en est chargé, mais qu’est-ce qu’il est vache Claro quand même alors que, on ne peut pas dire le
contraire : Frédéric Beigbeder est gentil. Il faut bien que quelqu’un rétablisse la vérité. Frédéric Beigbeder veut le bien d’Eric Chevillard.
A chaque
livre de Chevillard, il ne manque pas de lui donner de bons conseils
– que l’autre, sourd ou ingrat, ou complètement inconscient, ne suit
jamais. Déjà, à propos de Dino Egger, si
Frédéric Beigbeder proposait de « démolir Chevillard »,
c’était bien sûr pour mieux le
reconstruire. (Oui, finalement, il s’agissait bien de démolir avec
un seul l, nous explique-t-il ; j’avais cru qu’il s’agissait d’une
discrète allusion à l’« amollir Molloy » dans
le roman éponyme d’un auteur dont Chevillard est grand lecteur ; en
effet Frédéric Beigbeder a un faible pour les références littéraires :
dans ce dernier article pourtant bref sur
l’Auteur et moi il parvient tout de même à nous citer
Queneau (?), Sagan (??) et Coetzee (???) – mais non, il s’agissait juste
de démolir Chevillard. Pour mieux le reconstruire,
donc ; pas comme Nisard, à tout jamais perdu ; en effet Frédéric
Beigbeder est plus gentil qu’Eric Chevillard.) Car figurez-vous qu’on
peut faire quelque chose, de Chevillard. C’est un
homme, une matière, un paysage qui a du potentiel, indéniablement.
Ça vaudrait le coup d’investir, dans le Chevillard. Nous sommes
d’accord. C’est quand même dommage, un tel gâchis. Il faut
sauver le soldat Chevillard. Et Frédéric Beigbeder, qui est gentil,
est exactement l’homme de la situation. D’ailleurs la solution est
simple, il suffit de faire entrer dans le crâne de
Chevillard – qu’il a dur, apparemment – que le public ne veut plus
d’« expériences ». Car les livres de Chevillard sont des expériences ;
et le public, c’est bien connu, c’est même
dans le dictionnaire,
en a marre des expériences. Personnellement, comme je
lis, j’ai toujours eu tendance à croire que le public c’était moi,
mais non. Parce que moi je n’avais pas remarqué que les livres d’Eric
Chevillard étaient, à proprement parler, des
expériences ; et je ne m’étais pas non plus demandé si j’en avais
assez des expériences ou non mais de toutes façons on s’en fiche parce
que le public, ce n’est pas moi. La gentillesse de
Frédéric Beigbeder a quand même des limites : elle concerne
exclusivement Eric Chevillard, qui en a bien besoin. Il a raison,
d’ailleurs, au fond, Frédéric Beigbeder. Imaginez tout ce qu’on
pourrait faire de Chevillard s’il se laissait faire, la sale bête. Ingrat, en plus. Si seulement Frédéric Beigbeder
pouvait enfin réaliser son ambition la plus chère et devenir le coach du quatrième tome de l’Autofictif, il vous rentabiliserait le Chevillard fissa, je vous dis que ça. Ça ferait pas un
pli. C’est quand même pas difficile : il suffirait que Chevillard parle de lui-même, qu’il se « dévoile », qu’il parle davantage de ses
ventes. Qu’il ne se contente plus de jouer à l’autofictif
mais qu’il assume pleinement l’autofiction ; qu’il devienne, je ne sais
pas, moi, le futur Christine Angot ! C’est
quand même décourageant, c’est même rageant tout court et ça mérite
des coups de le voir s’entêter dans des expériences dont « le public n’a
plus le goût » (apparemment il l’avait
autrefois mais il l’a perdu), alors que le chemin de la gloire lui
est tout tracé, et gracieusement, par la gentillesse de Frédéric
Beigbeder.
En
tout cas moi j’ai compris la leçon. Dans un de mes prochains livres,
vous allez voir, je vous parle de mes chiffres de vente
– et Chevillard pourra toujours s’accrocher pour en avoir d’aussi
faibles, je vous dis que ça –, et je vous parle de mon papa aussi, qui
le mérite bien. Vous allez voir ce que vous allez voir.
C’est pas des blagues. Faut pas me pousser. Je vais le faire. Ça lui
servira de leçon, à Chevillard, de n’en faire qu’à sa tête au lieu
d’écouter sagement Frédéric Beigbeder.
La mort fausse tout.