Il
me faut bien l’avouer : je maîtrise mal le
français branché. Surtout quand c’est de l’anglais. Non que je
connaisse si mal l’anglais, j’en ai fait un peu en fac : j’ai même lu Gulliver’s travels
dans le texte. J’ai plus de
mal avec l’anglais contemporain, on ne me l’a pas appris. En
revanche, et heureusement, je suis assez féru de zoologie. Un peu
surpris, donc, d’entendre des bipèdes parlants, assez à mon image
d’ailleurs, se traiter eux-mêmes de wallabies. Le wallaby,
comme chacun sait, est pour sa part un bipède assez
peu disert, plutôt discret – même s’il y en eut un qui connut un
grand succès sur le petit écran de notre enfance : « Skippy ! Skippy !
Noootrami-le wal-labiiii… » (Je ne
suis pas bien certain en effet qu’il s’agît d’un kangourou, comme le
veut la chanson. Je parierais bien sur un wallaby. A moins que ce ne fût un wallaroo.) Encore aujourd’hui, j’ai beau l’avoir compris, il me faut bien une seconde avant de saisir que sous la douce
fourrure du wallaby se cache en fait un wannabe. C’est sous ce nom qu’on se désigne quand on veut être.
Vouloir être ! Belle ambition. N’être pas,
en effet, est une tragédie. Etre aussi, d’ailleurs ; c’en est une
autre. Quant à choisir, n’en parlons pas. Cependant, certains wannabes,
semble-t-il, en veulent davantage. Non
contents de vouloir être – ce qui est quand même déjà un beau programme, j’y adhère – ils
veulent être quelque chose.
(D’un coup j’adhère moins. D’ailleurs j’ai souvent l’adhésion
difficile. N’aime pas ce qui colle, notamment les étiquettes. J’en
ai collé, autrefois, par milliers, sur des bocaux de moules à
l’escabèche ; croyez-moi : ça n’a rien de passionnant.)
Par exemple, ils
veulent être publiés. N’importe quoi.
Ils ne le seront jamais, c’est évident. Personne, jamais, n’est publié.
Dans le meilleur ou le pire des cas, c’est un sort qui
est réservé aux livres, c’est même comme ça qu’ils deviennent des
livres. L’auteur, ouf, reste personne, ou une personne, si vous voulez.
Ou alors il devient autre chose qu’un auteur. Vouloir
être, franchement, si c’est ça que ça recouvre… Un
wannabe réussi, dix ans plus tard, n’est-ce pas ce
qu’on appelle un has-been ? Vouloir être. Vouloir faire, plutôt ! Bon,
c’est vrai que s’autoproclamer
« wannado », c’est devenu moyen aussi ; excuse acceptée. Wannawork, alors ; parce qu’œuvrer, franchement, il n’y a que ça qui compte. (Encore que buller, au fond, c’est pas mal non plus.)
(et je veux être ... euh, un wannabe? c'est bien çà? si j'ai tout compris? - mais zut pourquoi j'essaie de toujours de comprendre l'incompréhensible.)
Ah mais, je croyais que vous étiez expert ès english language!
En tout état de cause, il reste notre ami.
Pour être honnête, je devrais reconnaître que moi aussi, j'ai été wannabe. Mais peu à peu j'ai oublié que je l'étais. Quand je l'ai complètement oublié, on a publié mon premier roman. Je me souviens que mon éditeur s'étonnait que je ne saute pas au plafond. Je n'étais pas du tout blasé (de quoi, d'ailleurs ?), mais je ne me sentais pas complètement concerné ; c'était mon roman qui l'était à ma place. (Cela dit, j'ai quand même appris à mieux me réjouir depuis lors.)