Deux ou trois avis (rien d’humble là-dedans, rassurez-vous, plus ou moins en prolongement du billet d’hier).
On
reproche à la presse littéraire sa complaisance. Bien sûr. Je serais
quand même tenté de faire des petits
sachets séparés. On reproche à l’édition de caresser le lecteur dans
le sens du poil (pas toujours efficacement : le lecteur est souvent une
lectrice ; sa pilosité est discrète, et
souvent contrôlée). Là aussi, je préconise les petits sachets.
(Tiens, une idée comme ça, bête à coup sûr mais moins qu’une autre,
peut-être : pourquoi, au lieu de primer bêtement les
auteurs, on ne primerait pas les éditeurs ? La palme à celui qui n’a
publié que du bon dans l’année écoulée.) On reproche aux auteurs de…
(là je m’arrête tout de suite, les bras m’en tombent
et mon nez est trop loin du clavier). Et on ne reproche rien aux
lecteurs. Ils ont la belle vie, se la coulent douce, pas concernés : la
littérature c’est pas nous qui la faisons (d’ailleurs
si c’était nous elle serait mieux) (entre parenthèses parce que
quand même, si jamais on passait de l’autre côté, la vie est tellement
bizarre – c’est vrai qu’elle l’est, j’en témoigne, on n’est
jamais trop prudent). Je sais de quoi je parle : je me souviens. Je me souviens de n’avoir pris aucun risque. Je me souviens de m’être abrité derrière une idée reçue : la
littérature française contemporaine, c’est vraiment plus ce que c’était (ben tiens !) ; mieux vaut de l’autrefois ou de l’ailleurs.
Et pour me conforter dans cette
confortable certitude, avoir ouvert au hasard dans les librairies
les livres les plus hauts empilés. N’allant d’ailleurs pas jusqu’à les
lire en entier pour me faire une idée – déjà toute faite. Jusqu’à ce
que, bien forcé de voir les choses d’un peu plus près, pas
tout à fait irrécupérable ouf, je me rende compte d’une extraordinaire
vitalité, disons-le carrément ; mon hublot droit (à
gauche pour vous) est vraiment tout petit mais regardez-y comme ça
remue, diraient certains.
Et ce qui fait que ça continue, que ça peut continuer, c’est la
curiosité du lecteur, la curiosité que je n’avais pas, mea maxima
etc., c’est pour me faire expier que des éditeurs me publient, je me
repens et me repais et ça fait du bien, c’est que du
plaisir.
(Bien sûr ce billet est complètement inutile. Ceux qui sont arrivés jusqu’ici sont forcément des aventuriers – ou
des égarés (moi-même je n’aime rien tant que me perdre). J’aurais mieux fait de garder mon humble avis. Mais ça fait du bien à
dire.)
(Quand j'avais de l'ordre, je rangeais ma bibliothèque "par" éditeurs. Aujourd'hui, ce ne serait plus possible tant j'en découvre de nouveaux, et des talentueux, avec les auteurs afférents!)
(Mais je vous dis que je ne prends rien !)
(et je vole un peu de votre espace pour râloter sur les fétichistes du papier, l'odeur de l'encre et gnagnagna, ceux qui oublie les mots derrière, les mots au centre, les mots dedans, les mots d'abord. Et aussi une râlerie contre les amoureux de lectures classiques qui s'offusqueraient grandement devant un plagiat de Picasso ou de Rembrandt mais trouveront excellente une pâle copie de Balzac-Stendhal et assimilés, comme si écrire c'était reproduire à l'infi ce qui était avant. et en ce cas, je vous le demande, hein, qui sont ces malandrins qui ont dessiné autre chose que Lascaux, hein, hein ? mais j'arrête là, suis en plus à côté de la plaque peut-être, je retourne "rouméguer" dans mon coin (patois local :-) )
1. Les lecteurs ne sont pas innocents: non, en effet... Que règlent-ils au juste contre les auteurs ?
2. Entrer dans une librairie, c'est l'aventure contemporaine : oui, on peut s'y perdre ou plutôt feindre de s'y perdre, croire que l'on s'y perd car en vérité, on retrouve toujours la sortie... avec ou sans achat.
Daniel Pennac.
Je viens de regarder le documentaire Empreintes qui lui était consacré la semaine dernière, et j'ai pris des notes. Eh oui, je suis une lectrice qui, en plus, prend des notes;o)
"Les lecteurs ont la belle vie, se la coulent douce, pas concernés"!!!!!
Les lecteurs seraient donc si médiocres? (mais il est possible que j'interprète mal. Lectrice médiocre!)
Je partage mais tu en es une preuve vivante, le déclic a eu lieu chez toi comme il aurait pu ne pas être, non ?
Pris du meilleur éditeur oui, prix du meilleur grand lecteur oui, pourquoi toujours les auteurs ?
Autrefois, j'ai l'impression qu'on était vaguement honteux de ne pas lire. Ce n'était sûrement pas une bonne chose. J'ai l'impression que ces complexes-là ont heureusement disparu. Aujourd'hui ce sont les lecteurs qui sont de sympathiques originaux.
L'écrivain écrit-il pour être lu ou pour lui? L'écrivain a besoin de reconnaissance, c'est pourquoi le lecteur a son importance.
J'arrête de blablater. Et puis merde, Liquide c'est sublime.
Un "prix du plus grand lecteur?" Bouhhh, les prix çà me donne des boutons. (mais dire çà c'est aussi d'une banalité) mais c'est vrai.
Nous sommes quelques-uns, Pascale la première, à peu priser les prix !
Et puis si, une réponse quand même, à ladite question : c'est la même chose (le lecteur ou l'auteur). Je suis mon propre lecteur et j'écris ce que j'ai envie de lire - au moment où j'écris.
OK, "lecteur, auteur" c'est kif-kif pour l'auteur. Parce que pour le lecteur c'est niet, sinon tous les lecteurs seraient (ou deviendraient) des écrivains et il y en a déjà suffisamment qui écrivent et se prennent pour des écri-vains.
(si vous étiez un écrivain médiocre je vous embrasserais tiens. Ben oui, je ne craindrais pas le ridicule)
Peut-être, mais votre billet "n'est pas inutile... puisqu'il nourrit des égarés.
(et pardonnez mon précédent commentaire, il est, pour le coup, inutile)
(vous pouvez pas l'effacer?;o))
Il recevrait en cadeau tous les livres qu'il a feuilletés dans une librairie (on retrouverait son ADN sur les pages s'il n'a pas mis ou pris de gants).
Ce lecteur unique serait désigné par les auteurs ayant ressenti à distance - grâce au progrès - la caresse de ses doigts et de ses yeux sur les lignes parcourues subrepticement.
Chaque librairie serait équipée du scanner ad hoc. Pour les éditeurs en ligne, un filtre informatique spécial ferait l'affaire (et les affaires des fabricants).
Le lecteur-roi remplacerait le client-roi en voie de disparition.
Ce lecteur serait ensuite autorisé à publier un livre qu'un lecteur choisi par la méthode décrite ci-dessus élirait ensuite.
Frédéric Mitterrand commanderait un rapport sur la question.
Mais çà existe déjà des lecteurs (hors circuit des éditeurs) "sélectionnés" pour leurs "compétences", leur motivation... : le prix des lycéens... le prix du jury France Inter etc... le problème c'est que, les livres qui leur sont proposés en lecture, sont déjà sélectionnés par ceux qui en tirent des bénéfices non?
SELECTION : çà sonne mal à mon oreille, comme lecteur-roi.
( je m'loigne un peu, mais votre idée m'interpelle)