L’hiver
était venu dans la nuit. En quelques heures, comme à l’accoutumée, le
pays tout entier se trouva pétrifié
par le gel, balayé par un vent sec et violent qui descendait des
montagnes. Entre les maisons, le chemin détrempé se trouva changé en une
rivière de glace bleue vive et des glaçons, gros comme
des pieux, arrachés par le vent, s’y brisaient dans un éclat de
métal.
Dans
le haut du village, la Croix de Sépia, constellée d’une myriade
d’aiguilles blanches, prenait l’aspect d’un
sérac fantomatique ; devant chez Clara, la fontaine de bois, mal
séchée, avait éclaté en un monceau d’échardes dures. De temps à autre,
de gros choucas fuyant les cimes, saisis par le froid
en plein vol, s’abattaient sur les toits comme des météorites.
L’un d’eux tomba et rebondit sur les tôles du café Ham.
***
Siméon s’éveilla en sursaut au bruit de ce projectile.
Bien
qu’il eût dormi tout habillé, et pour la première fois depuis son
arrivée, dans des vêtements secs, tels que
l’avaient laissé sur son lit les douaniers, il était bleu de froid.
Mais en même temps, il sentait toujours, au creux de l’estomac, la nappe
de liquide brûlant qui continuait à bouillir et dont
la brûlure irradiait dans son corps vers tous les organes vitaux.
Sans doute – mais Siméon ne pouvait s’en rendre compte – sans doute
cette gorgée d’alcool, prise à l’improviste, l’avait-elle
sauvé de la gelure générale.
Il
se leva et entreprit de faire quelques exercices pour tenter de se
dégourdir les membres et de se réchauffer.
Son pied droit lui faisait affreusement mal. Peut-être était-ce le
froid qui ravivait la douleur. C’était au point que Siméon avait
l’impression de souffrir moins à la plaie elle-même qu’à
l’orteil qui lui manquait : « Et comment, se disait-il, pourrait-on
soigner un orteil que l’on n’a plus ? Je poserai la question au
Croll. »
Dans
sa chambre, l’air était si glacial que les mouvements qu’il faisait le
refroidissaient davantage. Il se
recoucha et resta pelotonné sous le sac de toile écrue qui lui
servait de couverture. A peine exhalée, son haleine se condensait en
petits nuages de givre qui retombaient tout autour de lui. Son
lit en était déjà tout blanc, ainsi que les poils hirsutes de son
visage. C’était comme s’il neigeait dans sa chambre. Il essaya de
respirer moins. Il s’endormit au rythme des gros oiseaux qui,
de temps à autre, se fracassaient sur les toits ou sur le sol gelé.
Maurice Pons, Les Saisons, deuxième partie,
II ; Julliard, 1965 ; Christian Bourgois, 1975.
Une interview de Maurice Pons dans le Matricule des
Anges.
(Moi, aujourd'hui, je me réchauffe ici !)
Je comprends que le Chasse clou vous réchauffe! Vais plus rien avoir à dire moi;o)
Liquide Philippe Annocque : 1140!
Les saisons datent de 1945, et Liquide de 2009!!!!! Vous vous rendez-compte de TOUT ce que vous avez en quelques mois!
AARRRGGGRRR
@ Pascale : très joli le dernier com.
(je m'enfuis)
(cette fois je m'enfuifuis)
Depluloin : Francis Pons! Hu hu
Ce qui m'a séduit, quand mon éditeur m'a montré la photo qu'il pressentait pour Liquide, c'est que les reflets des branches m'évoquaient une sorte d'étrange écriture.
2. réflexion : merci d'aider le temps il en a bien besoin.
2. J'aimerais bien...
Sur mon blog aussi, je dépose souvent des choses qui m'intéressent, au niveau littéraire, en majorité du domaine poétique