mercredi 20 janvier 2010

petit corps seul debout

Ciel gris sans nuages pas un bruit rien qui bouge terre sable gris cendre. Petit corps même gris que la terre le ciel les ruines seul debout. Gris cendre à la ronde terre ciel confondus lointains sans fin.
Il bougera dans les sables ça bougera dans l’air les sables. Jamais qu’en rêve le beau rêve n’avoir qu’un temps à faire. Petit corps petit bloc cœur battant gris cendre seul debout. Terre ciel confondus infini sans relief petit corps seul debout. Dans les sables sans prise encore un pas vers les lointains il le fera. Silence pas un souffle même gris partout terre ciel corps ruines.

Samuel Beckett, Sans (1969), dans Têtes-mortes, Minuit 1972, p. 70-71.

Commentaires

Très, très beau.
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 20/01/2010 à 17h22
C'est peu dire que j'ai été marqué par cette écriture.
Réponse de PhA le 20/01/2010 à 17h29
Ce retour de Sam... doit-on s'inquiéter? Vos (futurs) lecteurs, ceux d'octobre par exemple, peuvent-ils dormir sur leurs deux oreilles?
Hummm... (Et si vous lisiez Sollers?)
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 20/01/2010 à 18h03
Mais on doit toujours s'inquiéter ! (d'ailleurs vous avez le goût du risque)
Réponse de PhA le 20/01/2010 à 18h13
marqué comment ne pas l'être, quelle écriture...
Commentaire n°3 posté par albin le 20/01/2010 à 20h15
Sans parler de la qualité de l'encre ! Si vous saviez le nombre de marques d'effaceur que j'ai dû essayer... Mais j'y reviendrai sans doute dans un prochain billet.
Réponse de PhA le 20/01/2010 à 20h22
Merci pour ce choix , grâce à vous je découvre Beckett  ,  sauf "en attendant Godot" il y a très longtemps. 
Commentaire n°4 posté par marie guegan le 20/01/2010 à 20h57
Oh ce n'est pas vraiment un choix, on n'est pas si libre. Mais découvrez Beckett, oui !
Réponse de PhA le 20/01/2010 à 21h06
L'amour des mots! Leur intensité. Très beau.
Commentaire n°5 posté par negens le 20/01/2010 à 21h44
Merci (pour lui !)
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 12h01
image : intensité du crâne comme une graine pétrifiée, une racine désolidarisée de son arbre. Ou bien un marbre friable
Commentaire n°6 posté par petite racine le 21/01/2010 à 08h40
Ou un chancre tombé, vers lequel je fus guidé par un crapaud sylvestre (véridique).
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 12h03

« Très grand talent», mais « littérature odieuse » (souligné), « jeux d’écriture pour les habitués de la rue Sébastien Bottin », « obscénités » qui rendent la première nouvelle « imbuvable », « tics relâchés » (note de lecture du Seuil, refus de publier Beckett en 47)

Commentaire n°7 posté par Pascale le 21/01/2010 à 10h26
Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour être publié au Seuil, tout de même !
C'était pour quel texte ?
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 13h11
Il y a effectivement des crapauds sylvestres qui, pour être odieux, n'en n'ont pas moins un très grand talent
Commentaire n°8 posté par petite racine le 21/01/2010 à 12h39
J'étais tout seul au coeur de la forêt, loin de tout abri ; il y a eu une averse soudaine et violente. Un seul arbre, un chêne, était assez garni pour m'offrir un refuge ; je m'abrite dessous et je vois, à mes pieds, un crapaud. Je voulais le regarder dans les yeux mais lui, timide, a fait quelques bonds de côté, jusqu'à ce chancre nu qui tient dans le creux de ma main.
Je vis dans un conte. (Car tout cela, bien sûr, est pure vérité.)
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 13h18
Et le crapaud a t-il essayé de vous embrasser sur la bouche? Sinon, il y a des moeurs qui se perdent... même dans les contes
Commentaire n°9 posté par petite racine le 21/01/2010 à 13h30
C'était un crapaud timide, il a fait son dégoûté - ou il n'était qu'un intermédiaire. Le chancre était trempé, mais j'ai été si ému par son visage effacé que le crapaud en a profité pour disparaître.
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 13h35
Philippe : c'était pour "Quatre nouvelles" - trois d'entre elles ont fait ensuite partie de "Nouvelles et textes pour rien", paru en 55, une autre a été publiée à part en 70 je crois ("Premier amour").

C'est un ami qui m'a transmis l'information, il en parlait juste quand tu as mis cet extrait ici, j'en ai profité pour te l'offrir.
Commentaire n°10 posté par Pascale le 21/01/2010 à 13h51
Je pensais bien à ces nouvelles-là, notamment à l'Expulsé. Merci Pascale !
Réponse de PhA le 21/01/2010 à 14h08
 

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