mardi 2 février 2010

des fleurs sur sa chemise nuisaient souvent à l’attention

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elle faisait partie d’un couple qui s’ai­mait dans un hôtel de la zone surveillée. L’homme était inquiet, la femme pouvait être sereine ou nerveuse. Ils faisaient l’amour dans un nombre élevé de chambres. Il y avait aussi un homme qui dormait dans une pièce à côté, laissant la radio sur une mauvaise station. Sa pré­sence n’était pas prévue. Plans au télé­objectif, agrandissement de ses yeux. L’homme était allongé, le bras droit pris, étendu. L’homme n’était peut-être pas dans la pièce. Sa présence diffusait à travers la cloison, bruits, ronflements. Il s’agissait d’un homme ivre qui dormait contre sa petite radio saturée d’aigus
 
p. 20
 
la réalisation nette du plan allait ap­paraître à la fin comme une hallucina­tion, le produit de l’aventure entamée, son exécution. Le naturel demandait le plus de travail, retourné. En attendant défilaient des images volées d’un intérieur ou d’un autre qu’elle fréquentait régulièrement dans un échantillon de villes offertes à la négociation. La percep­tion s’accrochait au manteau, allant avec, en revenant, et ainsi de suite jusqu’à maculer le champ de vision dans lequel elle entrait, duquel elle sortait. Des fleurs sur sa chemise ou dans ses cheveux, telle gamme colorée de rubans, nuisaient souvent à l’attention
 
p. 43
 
dans le rêve de l’exécution, continuel­lement, le sexe était remplacé par un chiffre inexplicable, sans doute une date ou un code. Autant de jours passés sur une île constituaient une mission. Il y avait une offense et il fallait la réparer, ou le projet poursuivi par untel était jugé dangereux par ses pairs. Mais les tours étaient joués avant même d’en comprendre les règles, les participants, le décor. L’exécuteur gommait quelque chose, quelqu’un, et déjà tintait l’annonce sinistre d’une fin de partie dans l’éveil. Il était si difficile de se remettre de la mort d’un mot, d’une notion. En somme, chaque client avait droit à une vengeance sereine
 
p. 61
 
David Lespiau, Férié, Les Petits matins, 2010.
 
 
Attiré par une postface d’Emmanuel Hocquard, je suis tombé dans une étrange affaire – beau sujet d’enquête en effet pour le privé de Tanger. Il s’y passe quelque chose de voluptueux et / ou de criminel, peut-être, séduisant en tout cas ; mais j’ai beau essayer de régler la mise au point, rien n’y fait : victime des fleurs sur sa chemise, le fin mot me manque (agacement délicieux de ce qui feint de se donner). Le texte, en une soixantaine de blocs carrés comme des fenêtres (une soixantaine de jours ?), n’en montre pas plus qu’une fenêtre ; l’essentiel, sans doute, est hors cadre. 



Commentaires

Et cet homme ivre, qui lourdement ronfle derrière la cloison, accroché à sa radio parasite comme une huitre à son rocher, ignorant tout de ce qui se passe, dans la chambre, de l'amour, de l'enquête et du reste.
Commentaire n°1 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 02/02/2010 à 15h54
A cause de qui sans doute on oublie de regarder l'essentiel.
Réponse de PhA le 02/02/2010 à 21h55
Ah non! Je ne lis pas! Vade retro satanas! Choir, puis Machin là... Non, je ne lirai pas!! Je vais lire.
Commentaire n°2 posté par Depluloin le 02/02/2010 à 19h17
Qui a lu, lira.
Réponse de PhA le 02/02/2010 à 21h58
Suis perplexe là.
Les titres des livres de cet auteur  sont très... euh... très très...;-)
(ne jamais se fier au titre en fait;o))
Commentaire n°3 posté par Ambre le 02/02/2010 à 21h27
J'aime beaucoup "la poule est un oiseau autodidacte".
Votre perplexité est déjà un pas vers l'état de l'enquêteur.
Réponse de PhA le 02/02/2010 à 22h01
Je n'ai pas lu votre post, ni laissé de commentaire.
(n'empêche "qu'elle faisait partie d'un couple qui s'aimait", je ne l'ai pas lu non plus bien sûr, mais si je l'avais lu, j'aurais adoré.)
Commentaire n°4 posté par Anna de Sandre le 02/02/2010 à 22h33
Un livre à la mise au point problématique, c'est ce qu'il faut pour une lectrice "non visuelle" ?
Réponse de PhA le 02/02/2010 à 22h41
Oui, c'est celui qui m'a scotchée et aussi : Oh un lieu d'épuisement.
Commentaire n°5 posté par Ambre le 02/02/2010 à 22h36

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