elle
faisait partie d’un couple qui s’aimait dans un hôtel de la zone
surveillée. L’homme était inquiet, la femme
pouvait être sereine ou nerveuse. Ils faisaient l’amour dans un
nombre élevé de chambres. Il y avait aussi un homme qui dormait dans une
pièce à côté, laissant la radio sur une mauvaise station.
Sa présence n’était pas prévue. Plans au téléobjectif,
agrandissement de ses yeux. L’homme était allongé, le bras droit pris,
étendu. L’homme n’était peut-être pas dans la pièce. Sa présence
diffusait à travers la cloison, bruits, ronflements. Il s’agissait
d’un homme ivre qui dormait contre sa petite radio saturée d’aigus
p. 20
la
réalisation nette du plan allait apparaître à la fin comme une
hallucination, le produit de l’aventure
entamée, son exécution. Le naturel demandait le plus de travail,
retourné. En attendant défilaient des images volées d’un intérieur ou
d’un autre qu’elle fréquentait régulièrement dans un
échantillon de villes offertes à la négociation. La perception
s’accrochait au manteau, allant avec, en revenant, et ainsi de suite
jusqu’à maculer le champ de vision dans lequel elle entrait,
duquel elle sortait. Des fleurs sur sa chemise ou dans ses cheveux,
telle gamme colorée de rubans, nuisaient souvent à l’attention
p. 43
dans
le rêve de l’exécution, continuellement, le sexe était remplacé par un
chiffre inexplicable, sans doute une
date ou un code. Autant de jours passés sur une île constituaient
une mission. Il y avait une offense et il fallait la réparer, ou le
projet poursuivi par untel était jugé dangereux par ses
pairs. Mais les tours étaient joués avant même d’en comprendre les
règles, les participants, le décor. L’exécuteur gommait quelque chose,
quelqu’un, et déjà tintait l’annonce sinistre d’une fin
de partie dans l’éveil. Il était si difficile de se remettre de la
mort d’un mot, d’une notion. En somme, chaque client avait droit à une
vengeance sereine
p. 61
David Lespiau, Férié,
Les Petits matins, 2010.
Attiré par une postface d’Emmanuel Hocquard, je suis tombé dans une étrange affaire – beau sujet d’enquête en effet pour le privé de Tanger. Il s’y passe quelque chose de voluptueux et / ou de criminel, peut-être, séduisant en tout
cas ; mais j’ai beau essayer de régler la mise au point, rien n’y fait : victime des fleurs sur sa chemise, le fin mot me manque (agacement délicieux de ce qui feint de se
donner). Le texte, en une soixantaine de blocs carrés comme des fenêtres (une soixantaine de jours ?), n’en montre pas plus qu’une fenêtre ; l’essentiel, sans doute, est hors cadre.
Les titres des livres de cet auteur sont très... euh... très très...;-)
(ne jamais se fier au titre en fait;o))
Votre perplexité est déjà un pas vers l'état de l'enquêteur.
(n'empêche "qu'elle faisait partie d'un couple qui s'aimait", je ne l'ai pas lu non plus bien sûr, mais si je l'avais lu, j'aurais adoré.)