Tu as surtout parlé du côté Ropiquet. Et du côté Annocque ?
Tata (la sœur aînée de « Mon jeune grand-père »), à cette époque, était célibataire. Elle avait, semble-t-il, connu un chagrin d’amour quand elle était toute jeune, ensuite elle était devenue « trop difficile ». (D’ailleurs, quand elle s’est mariée, à la surprise de tout le monde, à soixante-huit ans, c’est un amour de jeunesse qu’elle a épousé.) Mamie et ton père, son frère (mon grand-père, mort en 1928), avaient essayé de lui présenter des candidats au mariage, en vain.
Leur mariage à eux était un mariage arrangé. Les Ropiquet trouvaient qu’il était temps de marier Anne-Marie. Les deux familles habitaient Amiens. (La maison d’Arras appartenait à la tante de Grand-mère Annocque – depuis ans seulement, environ, ai-je appris en écrivant Mon jeune grand-père.) C’était en 1921. Les Annocque, le Commandant et sa femme, voulaient marier Edmond avant son départ en Algérie. Les deux familles étaient très pieuses (surtout les femmes : Tit Père était athée). Les curés des deux paroisses d’Amiens se sont rencontrés et ont organisé la rencontre entre les familles. Les jeunes se sont plus ou moins plu. L’amour s’est déclaré en Algérie, où Mamie est venue rejoindre Edmond, et où Milou a été conçue. Tit Père est venu à Constantine chercher sa fille pour qu’elle ne fasse pas le voyage du retour seule et enceinte.
En même temps, Tonton Louis avait rencontré Simone Oudart, une jeune paysanne. Ils se sont mariés et ils sont allés vivre dans la ferme de la famille Oudart, à Rivery. Le frère de Simone passait pour un simplet.
Un jour, Mamie est invitée chez Grand-mère Annocque. Dans la salle à manger impeccable arrive un charretier plein de boue qui la salue et traverse. Mamie était très choquée, elle a souvent raconté cette première rencontre. Grand-mère Annocque, gênée, a fait les présentations : « Je vous présente Louis, mon autre fils. Il n’est pas officier,… il est cultivateur. »
J’ai retrouvé récemment la trace de Louis Annocque, le frère aîné de « Mon jeune grand-père », qui faisait honte à cette famille bourgeoise, sur le site du Musée de la Résistance. Je crois bien que Simone et son frère, qui passait pour un simplet – mon père a eu le temps de reconnaître que cette réputation était imméritée –, en étaient aussi. Et je me rappelle avoir couru après leurs poules, à Rivery, vers 1969 ou 70.
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