Quand Messerschmied se résolut à retourner chez Brunnen, son humeur était exécrable. Sans doute essayait-il de se persuader que les établissements Brunnen en étaient la cause, mais au fond de lui il devait bien se douter que c’était contre lui-même qu’il était en colère, contre sa propre incapacité à renoncer à la signature du contrat. Lorsqu’il entra dans les locaux de Brunnen, il trouva tout le personnel en proie à une sorte d’hystérie générale : on ne faisait aucun cas de sa présence. Des femmes étaient perchées sur le mobilier tandis que d’autres employés couraient dans les couloirs en poussant des cris, manifestement à la poursuite ou à la recherche de quelque chose sans qu’on pût deviner quoi. Messerschmied s’enquit toutefois du lieu où il pourrait trouver Monsieur Witz et tout de même une employée, malgré la panique, prit le temps de lui indiquer une direction. En effet, Messerschmied finit par reconnaître, couchée par terre et affairée à examiner le dessous du mobilier, une silhouette frêle, en bras de chemise, qui lui sembla bien être celle de Monsieur Witz. C’était Monsieur Witz en effet, mais Messerschmied le reconnut-il vraiment lorsque cet homme habituellement si courtois, si obséquieux même, bondit vers lui en lui hurlant des insanités, où cependant Messerschmied crut comprendre que sa présence, sa présence à lui, Messerschmied, ne pesait pour rien – sauf à titre de nuisance – dans le cataclysme en cours ?
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