Versailles Chantiers est une gare
de l’Ouest parisien où je passe assez souvent, il m’arrive même d’y descendre
ou d’y monter. Versailles Chantiers est aussi un livre de Christiane
Veschambre qui vient de paraître aux éditions Isabelle Sauvage, un beau livre
illustré par des photographies de Juliette Agnel qui vont aussi changer mon
regard la prochaine fois que je descendrai à cette gare. Christiane Veschambre
est un écrivain dont je n’ai pas lu assez de livres, juste les Mots pauvres
paru chez Cheyne en 1996 et la Maison de terre publié par le Préau des
collines en 2006.
Nulle fiction dans ces lignes.
Christiane Veschambre ne feint pas de raconter une histoire, mais en raconte
une quand même, aussi vraie que la gare de Versailles Chantiers existe, qui
mêle la grande et la plus petite, ou pour être plus juste l’Histoire partagée
et l’histoire personnelle. Une prose juste à la limite des vers (mais des vers
tout en retenue et une écriture au couteau) fait passer devant nous les
silhouettes de personnages disparus dont on n’a que les prénoms et l’initiale
des patronymes, Joséphine T., Robert V. et quelques autres que personnellement
je ne peux m’empêcher de voir en noir et blanc comme sur des films de famille
en 9,5 mm. C’est que même si je ne l’ai pas lu je sais que Christiane
Veschambre est aussi l’auteur d’un autre livre encore intitulé Robert et
Joséphine. Et puis je me souviens des dernières pages de la Maison de
terre et du coup je restitue les lettres derrière les initiales. Le début
de la vie commune et les années de séparation se nouent autour de la gare des
Chantiers juste en face du café où Robert travaille, Versailles Chantiers où on
l’envoie attendre une collègue inconnue qui deviendra sa femme, histoire
personnelle, dont l’Histoire le séparera durant cinq ans – car la première
rencontre a lieu en décembre 1938.
Des traverses comme sur les voies
du chemin de fer marquent la résidence de Christiane Veschambre – car les
écrivains ont parfois des résidences, mais en durée limitée (celle-ci :
d’octobre 2011 à mars 2012). Ce sont des choses qu’elle n’avait pas prévu
d’écrire mais que la vie lui impose. On ne choisit pas ses sujets.
Les résidences d’écrivain sont
l’occasion de chantiers d’écriture. On ne pouvait pas mieux tomber. L’histoire
de Versailles Chantiers est aussi l’histoire de ces chantiers enfouis
sous la gare et sous les siècles qui nous séparent de la construction du
château voisin.
Pour écrire ces lignes je rouvre
le livre au hasard et je tombe sur un certain Marcel C., qui de sa fenêtre
« peut voir la rue du Gros-Caillou, ainsi nommée parce qu’y travaillèrent
ceux qui en taillèrent les pierres. » Christiane Veschambre nomme trois
livres écrits par Marcel C. qui avec quelques autres font de lui l’un de mes
auteurs contemporains préférés. Celui qui représente l’un de mes pôles
d’attraction en matière d’écriture : se débarrasser de tout ce qui n’est
pas essentiel. C’est aussi ce vers quoi tend l’écriture de Christiane
Veschambre.
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