L’objet est un carré bleu nuit
traversé d’un éclair clairement électrique publié aux éditions l’Atelier de
l’agneau dans une collection qui ne s’appelle pas tout à fait aphorismes
puisque c’est juste aphoris. Et de fait en l’ouvrant on peut penser
aussi que Courants blancs est un recueil d’aphorismes qui n’en sont pas
tout à fait. L’œil y est tout de suite alerté par la régularité de la longueur
des apparents aphorismes, un énoncé d’une ligne à chaque fois mais pas plus sans
autre ponctuation que son point final, énoncé multiplié à raison de vingt-six
par page ; régularité donc aussi de la longueur des pages, lesquelles sont
doublement paginées : la pagination traditionnelle se double d’une
pagination réelle : de la page 1 première écrite à la page 70 et dernière
le texte respecte la règle comme s’il était tracé à la règle. Et comme un livre
est quand même un livre on ne s’étonnera pas que la page 1 soit à la page 5 et
la 70 à la 74. C’est qu’il se joue dans Courants blancs quelque chose
qui va au-delà de l’aphorisme, une poésie accidentelle qui tient de la tension,
ou de la surtension entre des pôles opposés tels les côtés d’un carré :
homme, animal, parole, alphabet sont comme les points cardinaux et essentiels
qui reviennent inlassablement baliser le champ de ces 1820 unités verbales – je
pense aussi à une sorte de vision atomique du langage – dont voici les
premières qui vous montreront plus clairement ce que j’essaie de vous dire (car
dire, nous dit aussi ce texte, n’est pas nécessairement le moyen de se faire
entendre) :
Il se noya dans un cercle
lorsqu’il confondit l’eau avec une quinzième lettre solaire.
Les animaux s’arrêtèrent de
parler pour donner aux hommes la chance d’obéir à leurs cris.
Il applaudissait ses prières
depuis qu’un vide s’était glissé entre ses mains.
La folie enferma ses échecs dans
un carré et il réussit à se déplacer en diagonale.
Philippe Jaffeux, Courants
blancs, l’Atelier de l’agneau, 2014, p. 5, c’est-à-dire page 1.
J'aime beaucoup ces quatre phrases extraites de ce livre !
RépondreSupprimerDe même pour celles que j'ai trouvées ici :
http://www.recoursaupoeme.fr/critiques/courants-blancs-de-philippe-jaffeux/carole-mesrobian
Merci de la découverte !
Je le découvre moi aussi, et j'y reviendrai probablement.
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