vendredi 30 janvier 2015

Mon jeune grand-père (68)



Le 22 juillet 1916
Ma chère Maman.
Première carte adressée à sa mère. Il est vrai qu’ensuite ce sera presque toujours « mes chers parents ». Le crayon est particulièrement bien taillé et l’écriture est encore plus soignée que d’habitude.
Depuis ma dernière carte j’ai reçu les lettres ou cartes de Papa des 5, 7, 8 et 11 ainsi que ta lettre du 9. Comme colis j’ai reçu tous ceux annoncés, c’est-à-dire le 23 par la poste et le n°1 par le chemin de fer. Plus tard il dira « colis-gare ». Tout était en bon état sauf les œufs qui étaient pourris et qui avaient coulé sur les autres objets, heureusement qu’ils étaient bien enveloppés, les gâteaux n’avaient pas souffert. Daussy a reçu aussi des colis ce qui fait que nous pouvons commencer à prendre des repas supplémentaires ce qui n’est pas Je n’arrive pas à lire ce mot écrasé en bout de ligne. C’est la première mention de Daussy, je crois bien. Il doit manquer quelque chose. Ou alors Edmond en a parlé dans une lettre. Il faudrait que dans les prochains colis, outre des conserves de viande, tu mettes un peu de conserves de légumes et du beurre ou margarine pour faire cuire tout cela. Tout cela sans diminuer la quantité de gâteaux, car je les aime toujours bien (C’est un prisonnier de guerre qui écrit, mais c’est aussi un tout jeune homme qui écrit à sa maman.), mais il faudrait une boîte en fer pour les gâteaux car sans cela ils deviennent mous et ils ne sont plus bons. Comme pain, Daussy en reçoit aussi d’Annecy, il en a déjà reçu une fois il est rien beau. Déjà le mystérieux pain d’Annecy. Monsieur Desmaret m’a envoyé en date du 12 un mandat de 20. D’habitude c’est plutôt Desmarets avec un s. Ce qui est bizarre, c’est que dans les cartes du 4 et du 10 avril et du 18 juin 1917 Edmond parle de « l’oncle Desmarets » alors qu’ici et dans la carte précédente c’est juste « monsieur ». Il était donc à cette date en possession de ma carte, je ne vais sans doute pas tarder à recevoir une réponse. Tu ne m’as pas dit si tu avais trouvé dans ma cantine dans ma trousse à boutons de l’argent qui appartenait à mon ordonnance, mets-le de côté et n’oublie de lui envoyer de l’argent s’il en a besoin ainsi que quelques douceurs. Je me demande si l’ordonnance d’Edmond, le soldat qui était dans la tranchée avec lui et qui a survécu et Gillet, qui est prisonnier dans un autre camp parce qu’il n’est pas officier, selon la carte du 29 mai 1916, ne sont pas une seule et même personne. Mais je ne peux pas l’affirmer. Tu serais bien gentille de m’envoyer des photos de toute la famille. Je n’ai que le groupe fait à ma première permission. Mets-en pour ma tante Maria. Mets aussi le portrait de Madeleine et Jean pour leur père. Excuse-moi ma chère maman si je ne parle dans ma carte que de choses terre à terre. Je pense quand même bien souvent à toi et je te plains d’être ainsi seule. Je t’embrasse bien fort et des millions de fois ma chère maman ainsi que mon cher papa et toute la famille. Ton fils qui t’aime de tout son cœur. Edmond Les dernières lignes sont de plus en plus serrées. Il n’y a pas vraiment la place pour écrire « Edmond » mais Edmond la trouve quand même, les lettres font moins d’un millimètre d’épaisseur. C’est important que maman lise « Edmond » sur la carte.

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