vendredi 16 janvier 2015

Mon jeune grand-père (66)



Le 14 juillet
1916 est omis.
Mon cher Papa
   J’ai, je l’avoue, un peu le cafard aujourd’hui. Quel malheur d’être loin de la patrie en ce jour de fête. Nous, (ici deux mots que je n’arrive pas à lire) tout de même que c’est le 14 juillet car cet après-midi il y a une séance artistique. Si je ne vous le dis pas, à vous qui lisez par-dessus mon épaule, vous ne pouvez pas deviner le temps qu’il me faut pour déchiffrer ces mots. Pourtant l’écriture n’est pas aussi serrée que parfois, et elle est élégante et régulière. Mais tellement pâle. Les cinq du régiment nous nous et à nouveau je perds le fil et le commandant nous offre un verre de vin. _ Depuis ma dernière carte j’ai reçu vos lettres arrivées toutes le 10. Je devine autant que je lis. Depuis je n’ai rien reçu. Il y avait la lettre du 1er juillet, celle de Maman du 2 et une de Ma Tante du 29 (?). Celle de Ma Tante était un peu triste mais bien affectueuse. Comme tu me l’as dit je ne lui répondrai pas, j’en charge Geneviève, la paresseuse. La grande sœur n’a pas encore écrit, sans doute. Ou c’est autre chose. Ou bien j’ai mal lu. Il n’y a pas un mot dont je sois certain. Les colis arrivent bien. Voici les (?) dates. Suivent les numéros et des dates. Je préfère me concentrer sur le reste. Mais sur les sept lignes qui suivent, je n’arrive à déchiffrer que « en reçoivent » et « à Félix Potin ». Dans sa carte du 26 juin Edmond avait réclamé des biscuits en vantant ceux de Félix Potin, dont la mention m’avait juste fait broncher sans m’évoquer comme à l’instant le Félix Potin de Pantin, près de l’église, où j’ai fait quelques courses quand j’avais l’âge d’Edmond.


Et puis il y a deux lignes qui ont été carrément gommées. Le carton jaunâtre en porte encore la marque pâle. C’est l’une de ses premières cartes, un sujet défendu a dû lui échapper. On n’écrit pas n’importe quoi. Cinq lignes manuscrites suivent qui ne sont guère plus lisibles, si ce n’est « celle du 11 de Maman que » et le « Je t’embrasse » et sa suite que je ne lirais sans doute pas sans toutes les autres cartes recopiées.

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