Les
repas sans lui, c’était la première fois, il mangeait dans sa chambre,
je sais pas quoi, je me demande ce
qu’il pouvait encore avaler ou digérer, s’il suivait un régime
spécial, sûrement, à cette époque, vers la fin, tout son corps était
touché, c’était la fin, une fin.
En
partant ce dimanche soir, on leur a dit qu’on reviendrait le dimanche
suivant, on pouvait pas avant, oui, même
si on savait déjà, avant cette visite, June nous l’avait dit, qu’il
pouvait partir à tout moment, pour la première fois, elle en avait
accepté l’idée, même si jusqu’au bout, elle a espéré un
miracle.
Je savais que s’il était toujours en vie la semaine suivante, il ne
serait presque plus en état de parler, vu la vitesse à laquelle son état
se dégradait, il se désintégrait, et mes dernières
paroles pour lui, le peu que je pouvais lui donner, seul avec lui,
prêt à partir, déjà habillé, la voiture n’attendant plus que moi pour
nous emmener à la gare, c’était maintenant, alors je l’ai
regardé, j’ai soutenu son regard, qui cette fois ne me lâchait pas,
au prix de quel effort, je me le demande, et je lui ai dit, je n’ai rien
trouvé d’autre, qu’est-ce que j’aurais pu dire
d’autre, je lui ai dit, T’en fais pas mon pote, j’écrirai
tout. T’auras pas grand-chose à raconter, c’est ce qu’il m’a
dit,
après un silence, très lentement, et toujours, ce
regard. On
en est tous là, c’est ce que je lui ai dit.
B.S. Johnson, les
Malchanceux, Quidam, 2009.
Impossible de préciser la page. Ça peut être vers la fin, ça peut
être vers le début ; ça changera sans doute la lecture, le ton ; ça ne
changera rien au fait que ce livre est un bien
plus qu’un bel objet inventif et insolite.
(Oui, j'ai essayé de respecter les espaces.)
Au fait, êtes-vous allé à cette soirée ou un auteur devait parler de lui?
... Impossible de remettre tout ça en place dans ma tête, ça me reviendra...
Bon sang ! Efface vite mon message, il va se reconnaître !
(Qui çà où çà...;o))
Notre ami, seul parmi une assistance nombreuse et médusée, a osé poser la seule question, la vraie, essentielle, d'ailleurs saluée par l'éditeur pour sa pertinence, et que, zut, j'ai oubliée.
Ah d'ailleurs quelle était bien cette question ! Je ne me souviens plus non plus de son contenu, mais je me souviens qu'elle était parfaite, franche et fière, et qu'elle a fait grand effet.
(C'est après qu'on est aller picoler non ? Ou bien j'étais le seul ? Rrrr la mémoire, la mémoire...)
Etre P T c'est quand même mieux que de se la P T hein!
(si vous prenez le métro prenez l'apéro)