Moi aussi, j’ai une vie mondaine. Hier, je suis sorti du bois. J’ai rejoint la gare à pied, sous la neige,
comme Herbert,
mais je n’y ai pas pensé. Pas pensé non plus à mettre sur mes oreilles
le bonnet du fiston,
devenu trop petit pour lui, alors pour ma grosse tête… J’aurais dû
pourtant, je l’ai senti, sur le quai de la gare ; il était trop tard. Ça
ne trompe pas, les pommettes qui remontent, les
joues qui se creusent, le bourrelet du lion entre les sourcils, on
les sent venir même sans les voir. Dans le compartiment, comme un fait
exprès, un miroir en face de moi. Pour que je le voie
bien, bien en face : je n’étais plus moi-même. En face, c’était
l’autre,
que je connais déjà, pour l’avoir déjà vu au sortir du froid. Ça
pourrait exister, un type avec cette tronche-là, rien d’extraordinaire –
sauf que ce n’est pas moi. Quand je le vois, je pense aux
Enfers. Heureusement, avec moi dans le compartiment, personne de
connaissance : personne pour ne pas me reconnaître. Ce Mr Hyde en moi,
ou Hulk au choix (car j’ai lu Stan Lee plus encore que
Stevenson), mais pas plus méchant ni plus fort, juste bien absurde,
c’est une urticaire au froid. Ça passe. Le temps du trajet, un peu. Pour
une fois on prendra le métro, à Paris. Rendez-vous
avec un ami qu’on n’a jamais vu : autant lui montrer la vraie tête,
pas l’occasionnelle. Heureusement, j’ai de l’avance, les librairies
m’appellent, ne serait-ce que pour le paysage ;
acheter n’est plus vraiment raisonnable quand lire tend à écoper
l’étagère qui sert de table de nuit. Par-dessus la table aux nouveautés,
un regard familier. Rencontre fortuite et improbable. On
se reconnaît. Pourtant, si l’on compte bien, ça fait bien vingt-cinq
ans qu’on ne s’est pas vus. Camarades de faculté. Pas surpris pour ma
part de si facilement la reconnaître : je n’ai
jamais vu le temps passer. Qu’elle me reconnaisse me rassure ; c’est
que Hulk, mon urticaire, a passé. Pour le reste, je sais que je n’ai
pas changé, et compte pour rien les cheveux que je
n’ai plus ; ils n’en méritent pas davantage. Plus tard, au café où
je n’étais plus entré depuis plus de vingt ans, je reconnais d’évidence
l’ami que je n’ai jamais vu ; c’est donc qu’on
voit aussi sans les yeux. La suite est privée, comme ma vie
mondaine, mais chouette, salut les potes ; à minuit appelez-moi
Cendrillon, je préfère, c’est le dernier train. Au retour de la
gare, on ne sent pas le gel sous les étoiles, pourtant par terre ça
brille. S’arrêter pour regarder le ciel, c’est un luxe, mais rien n’est
trop cher pour ma bourse. Je sens que je n’ai rien à
craindre. A la maison, la porte refermée, c’est bien moi que je vois
dans la glace.
Je me dis maintenant qu'il n'y a pas de hasard et qu'il était écrit que ce commentaire devait disparaître.
(J'espère que lorsque je viendrai me faire dédicacer votre prochain livre je ne virerai pas au rouge...)
L'uticaire au froid! Vous avez un remèdde qui apaise? (Sans blague).
Marre de la cortisone ce soir je me shoote à la polaramine.
http://francoisquinqua.skynetblogs.be/post/.../bram-van-velde
Dites, je ne savais pas qu'on dit une urticaire. Merci, grâce à vous, maintenant, je le sais.
(Pour être honnête, je crois bien qu'il y a de l'urticaire dans un de mes bouquins ; mais alors je ne pourrais vraiment pas vous dire dans lequel.)
http://francoisquinqua.skynetblogs.be/post/7652147/bram-van-velde
Arrrgggrrr encore des livres à lire...
Je viens pourtant de lire tous vos livres récemment. L'urticaire? Je me demande si ce n'est pas dans Les chroniques imaginaires...
(Mondain, mondain, tu exagères ! Ca l'était fort peu, dieu merci.)
Cà m'enchante de savoir que des "amitiés" (le mot est sans doute un peu fort, disons des "cordialités") virtuelles peuvent aussi, parfois, passer au réel.