dimanche 28 février 2010

NEW YORK TROIS MACHINES D’AMOUR À MORT


Fable sur le sommeil.
Comme elle s’était endormie totalement ivre la veille, la prisonnière des plus beaux rêves du circuit Blanc se réveilla un beau matin à la porte du cauchemar : en cheveux, démaquillée, les larmes aux yeux, un filet d’étain fondu marbrant son vi­sage, elle tendit les mains vers ses clopes mais n’eut pas le temps de les saisir; elle aperçut l’ennui sans rien en ressentir.
Une deuxième fois ses yeux s’ouvrirent (elle sentit le cuir d’un canapé de terrasse sous ses doigts) sur l’ennui : elle se fit du café sans le voir. Elle entreprit de traverser le couloir d'une centaine de mètres de long qui l’amènerait jusqu’à la salle de bains. Elle se perdit au début, au milieu, à la fin. Elle repartit vers la cuisine, un tube de somnifères dans chaque joue.
La troisième fois les couvertures écossaises à carreaux roses couvraient une bouche au goût de citron et de sel et des yeux sans images, incapables de repérer dans l’environnement un pourtant omniprésent sentiment de vide. Regard vague qui n’eut pas plus de conséquences.
Trop fatiguée pour se tuer, elle but du jus d’orange pour se donner la mort. Un quart d’heure plus tard, elle regardait encore atone une rangée de couteaux inoxydables.
Alors elle se rendormit et la peau douce des longues phalanges, claire, rose, et jaune de clopes chaudes entre le majeur et l’index, réapparut sur toute la surface. Réparé de lui-même, le circuit Blanc reprenait conscience et refaisait sa jonction, mettant un terme à l’expression maladroite de ces rêves ordinaires.
La fable indique que l’ennui est indépassable. La morale trouve ça plutôt triste, mais bon, on va pas non plus en faire un fromage.
 
Ludovic Bablon, NEW YORK TROIS MACHINES D’AMOUR À MORT, « Fabuleuse Helen Smith, 5 » Les Petits matins, 2010, p. 103-104.
 
Le Renard y a été trop fort, il a beau appuyer sur Move Up, le tas de pixels morts nommé Sarah Cohen ne veut pas se redresser. Bon, il va quand même pas jouer tout seul ?
Alors est-ce qu’elle s’en sortira mieux s’il lui re­donne une chance ? Allez, il lui propose un rôle dans une version améliorée de New York.
Cette version, intitulée Renardville – We Win, You Lose, est un jeu de colonisation dont voici le scénario.
La mythique ville de New York a disparu sous les hordes barbares et les tornades de boules de feu. Il ne reste rien qu’un immense terrain vierge. Le but est de construire Renardville en un minimum de temps et avant l’adversaire.
Dans ce jeu, Sarah Cohen incarne la tentation de créer une gigantesque mégalopole, censée prospé­rer à partir de rien. Un Renard aux talents de pro­moteur immobilier lui donne pas mal de fil à retordre. Son propre module d’intelligence Artificielle donne à Sarah Cohen le droit d’installer sous le nom de cité « New York » quelques tentes primitives dans les zones des marais périphériques.
 
Ludovic Bablon, NEW YORK TROIS MACHINES D’AMOUR À MORT, « Sarah Cohen, icône du jeu vidéo, 5 » Les Petits matins, 2010, p. 110-111.
 
C’est le stade des Prairies Rougissantes au stade où elle a vraiment l’impression de jouer contre un mur noir. Et en effet on peut dire que le coup du Bloc Noir lui pose quelques problèmes tactiques.
Elle perçoit parfaitement les trajectoires qui entrent et sortent de sa moitié de terrain, mais tout se passe comme si un bloc d’impensé noir avait atterri sur l’autre moitié du court, consti­tuant une zone franchement pas claire, on pour­rait même dire opaque, du circuit électrique, dont le masquage diminue d’autant la lisibilité des trajectoires et donc la réactivité de la joueuse.
Côté circuit Noir par contre, ça ne se passe trop mal. En fait, pendant les quand même neuf heures que dure le Bloc Noir, eh bien à tout moment il se sent bien dans son tennis et déambule en long, en large, pensif. Il semble attendre, patiemment appuyé contre le battement immobile de son bloc-­raquette, que s’ouvre une voie, un havre, une op­portunité. Ses coups droits en miroir sont appliqués, puissants, et réguliers, mais ses pensées ­sont ailleurs, et au lieu de perdre son temps à se de­mander Tiens, voyons voir, quel effet ferait une ­balle projetée à 300 km/h dans un morceau se ma­tériau synthétique reproduisant la texture du crâne, humain ?, il préfère par un examen que les plus chauds qualifieraient d’« a freddo » consulter deux ­électromyographies d’un coup de tennis complet de Mademoiselle Bauer.
 
Ludovic Bablon, NEW YORK TROIS MACHINES D’AMOUR À MORT, « Frida Bauer, B comme Bauer, V comme…, 5 » Les Petits matins, 2010, p. 118-119.



Commentaires

Non, non, et non! Je ne vous écoute pas, je me bouche les oreilles! Je n'achèterai plus de livres avant... pas longtemps j'imagine!
Commentaire n°1 posté par Depluloin le 28/02/2010 à 19h42
Il ne faut pas dire "Fontaine je ne boirai pas de ton eau" car qui a bu boira, qui vole un oeuf vole un boeuf et qui m'aime me suive.
Réponse de PhA le 28/02/2010 à 20h07
Pour ne pas vous laisser emmerder Loïs, je n'ai rien lu. Par contre les condos (condensateurs de liaison) sur la photo, c'est des Philips ou des MKP ?
Commentaire n°2 posté par Anna de Sandre le 01/03/2010 à 10h26
Mais enfin, vous ne voyez pas que c'est une maquette de New York, la ville où les jeunes femmes se meurent d'amour pour des circuits électroniques ? N'avez-vous pas remarqué comme on y voit la vie en rose ? Lisez donc ce mode d'emploi signé Bablon, vous comprendrez tout.
Réponse de PhA le 01/03/2010 à 12h29
Hors de question !
Commentaire n°3 posté par Anna de Sandre le 01/03/2010 à 13h23
Lisez, je le veux.
Réponse de PhA le 01/03/2010 à 16h01
Oooooh, je vois une grande lumière céleste !
Commentaire n°4 posté par Anna de Sandre le 01/03/2010 à 18h20

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