Un matin de décembre, à force de quadriller toujours le même parterre, église,
crèche, école, moi aussi j’en ai marre de ces limites et je descends plus bas, à peine quelques mètres de plus.
Pour
rien, juste pour voir. Là j’apprends, de quelqu’un du quartier qui vous
connaîtrait bien, comme ça, discussion devant une
mercerie, me semble, pourquoi vous avez disparu : dans une bagarre
aux Halles (bien sûr), vous avez agressé quelqu’un, plusieurs peut-être,
pour dépouiller les fringues, évacuer les colères.
Vol en réunion avec violence, toi et l’autre, celui au long
manteau, vous êtes enfermés, à Fleury précise-t-elle. Fleury, sans
Mérogis, répète-t-elle (elle dira plus tard qu’elle
connaît, qu’adolescente elle y a passé plusieurs mois – ou jours ?
ou semaines ? – je ne saurai pas si c’est vrai), Fleury, oui, quartier
des jeunes détenus, Franck n’a personne qui
lui écrit est-ce que tu voudrais son adresse ?
Marcher quelques mètres de plus ?
Anne Savelli, Franck, Stock, collection La Forêt, 2010, p. 42.
C’est la première mention du prénom, et ce retard en italiques évoque la gaucherie émouvante d’une première et pudique
caresse.
Plus notamment sur ePagine (ici et là), Lignes de fuite, Pages à pages, et aussi dans les pages du dernier Matricule des Anges.
Puis je lis (là) :"Seuls la lettre, le courrier en eux-mêmes, la simple sensation de décacheter l’enveloppe et d’y voir je t’embrasse, tiens bon, comptent ici. On écrit parce qu’on n’envoie pas son corps par la poste, c’est tout."
Il a l'air beau ce livre.
Ca c'est magnifique. Entre autres. Merci.