Te
voici donc prêt à attaquer les premières lignes de la première page. Tu
t’attends à retrouver l’accent reconnaissable entre
tous de l’auteur. Non. Tu ne le retrouves pas. Après tout, qui a
jamais dit que cet auteur avait un accent entre tous reconnaissable ? On
le sait : c’est un auteur qui change beaucoup
d’un livre à l’autre. Et c’est justement à cela qu’on le reconnaît.
Mais il semble vraiment que ce livre-ci n’ait rien à voir avec tous les
autres, pour autant que tu te souviennes. Tu es
déçu ? Un moment. Il est normal que tu sois un peu désorienté au
début, comme lorsqu’on vous présente quelqu’un dont on avait associé le
nom à un visage, et qu’on tente de faire coïncider
les traits qu’on voit avec ceux dont on se souvient. Et cela ne
marche pas. Et puis tu poursuis ta lecture, et tu t’aperçois que le
livre se laisse lire indépendamment de ce que tu attendais de
l’auteur. C’est le livre en soi qui attise ta curiosité, et, à tout
prendre, tu préfères qu’il en soit ainsi. Te retrouver devant quelque
chose dont tu ne sais pas encore bien ce que
c’est.
Italo Calvino, Si par une nuit d’hiver un voyageur.
Encore un texte étudié avec les
3e, et une belle occasion de les mettre en garde contre ce que j’appelais l’autre jour les « lectures encombrées ».
Ceux qui me suivent de près savent pourquoi ce texte me parle si fort. Allez, demain je développe la question.
Ceci dit, j'aime m'encombrer d'un bon auteur celui qui laisse toujours à désirer, qui ne laisse jamais de découvrir ce qu'on a mal lu jadis! (Ma (re)lecture de Madame Bovary, il y a quelques années tout de même m'avait laissé sur le flan! D'ailleurs, je me demande si je ne vais pas y remettre le nez - dans ce livre pas dans Madame Bovary - ah les phrases mal parties!)