lundi 29 janvier 2024

Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 5

Assurément, c’était une malédiction – mais Messerschmied avait les pieds sur Terre ; il ne croyait pas aux malédictions. C’est peut-être pour se le prouver à lui-même que, dès qu’il fut rétabli, il prit sa voiture pour se rendre derechef chez Brunnen, afin de signer ce contrat une bonne fois pour toutes, qu’on n’en parle plus. Il n’avait pas que ça à faire ; il avait bien d’autres préoccupations autrement plus importantes dans sa vie. En garant sa voiture devant les locaux de Brunnen, Messerschmied remarqua un individu qui transportait une pancarte ; son visage lui était vaguement familier. Mais oui : c’était un employé de Brunnen, il avait dû l’apercevoir déjà dans un couloir. Ce dernier avait posé sa pancarte debout, au bord du trottoir ; il reprenait son souffle ; en tout cas il prenait son temps. C’est alors qu’un policier aborda Messerschmied et lui fit remarquer que son véhicule stationnait juste à côté d’un panneau d’interdiction de stationner. Ça lui avait tout l’air d’une provocation ; Messerschmied se croyait-il tout permis ? Il avait certainement besoin d’un petit rappel à la loi. C’est à ce moment-là que Messerschmied comprit la raison pour laquelle il n’avait pas remarqué le panneau : c’était la pancarte de l’employé de Brunnen qui la lui avait masquée. Celui-ci l’avait reprise à l’instant sous son bras et l’emportait de son pas tranquille, laissant la belle voiture de Messerschmied garée en évidence, comme une provocation en effet, juste sous le panneau d’interdiction.

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