N’ayant jamais lu la moindre ligne de Sylvain Tesson (même si j’éprouve une affection profonde pour la panthère des neiges, que personnellement je préfère appeler once, ça prête moins à confusion), me fichant presque autant du Printemps des Poètes (même si, de la poésie, il m’arrive d’en écrire, voire d’en publier) et n’ayant lu que le titre de l’article du Figaro que je reproduis ci-dessous et qui m’inspire le titre pitoyable de ce billet, je me dois de donner mon avis sur ce sujet brûlant (la pétition contre, la pétition pour, etc.) Car c’est ainsi que ça fonctionne aujourd’hui : moins on s’y connaît, plus la parole est légitime. Pour les raisons ci-dessus, je n’ai pas signé la pétition (la première) en question. Que Tesson soit de droite ou d’extrême-droite, peu me chaut ; ça ne me fera ni le lire ni ne pas le lire. Si je cherche les raisons pour lesquelles je ne l’ai pas encore lu et qui sont ailleurs, je devine qu’il doit y avoir sa popularité : j’ai de façon générale peu en commun avec les écrivains populaires – à commencer bien sûr par la popularité. Il y a aussi les arguments en sa faveur, cette aura de voyageur, voire d’aventurier, qui nourrit ses textes. À mes yeux, toute vie est voyage, toute vie est aventure, et il n’y a pas de bons ou de mauvais sujets – sauf quand le sujet devient un argument de vente, ce qui me paraît le cas ici. Il y a aussi le fait que ce soit un héritier. Il y a beaucoup trop d’héritiers. Ils ne sont pas forcément de droite, d’ailleurs. Mais vraiment : il y a beaucoup trop d’héritiers ; on se croirait sous l’Ancien Régime. (Cela dit, j’en aime quand même quelques-uns, je l’avoue.) Ce que révèle, à mes yeux, cette polémique, c’est d’abord l’inculture crasse des personnes en vue qui la dénoncent. Je ne vise pas tellement Rachida Dati, qui n’est Ministre de la Culture que par hasard. Mais de la part de personnes supposément cultivées (certains journalistes, par exemple), on aurait pu s’attendre à ce que soit notée la qualité du travail des auteurs et éditeurs signataires de la pétition : cette liste est à elle seule un excellent catalogue (ça me fait presque regretter de ne l’avoir pas signée). Quant à l’article du Figaro prétexte à ce billet (petite goutte qui a fait déborder le vase), c’est Eric Naulleau qui, en en faisant la louange sur Twitter (« imparable tribune », etc.) a attiré mon attention dessus. Bon, je m’en suis arrêté au titre : « Les pétitionnaires savent-ils que Baudelaire était plus réactionnaire que Tesson ? » auquel je ne peux m’empêcher de répondre « Les réactionnaires savent-ils qu’une comparaison entre Baudelaire et Tesson n’est pas à l’avantage de ce dernier ? » Car, plus sérieusement, en poésie, Baudelaire marque. Il marque, au sens où désormais, il y a un « avant Baudelaire » et un « après Baudelaire ». Si on se pose la même question pour Tesson, n’en vient-on à se rendre compte qu’il y a dans la démarche de ce dernier quelque chose de profondément conservateur ? Quelle différence y aura-t-il entre l’avant-Tesson et l’après-Tesson ? Et ne vous y trompez pas : en écrivant cela, j’attaque moins cet auteur (qu’encore une fois je n’ai pas lu) que je ne le défends de ses défenseurs maladroits.
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