Mes chers
parents 19 juin
Cette
carte-là ressemble bien davantage à celles qui suivront. Elle est prise dans le
sens vertical, et l’écriture très serrée au crayon à papier bien taillé en
remplit toute la surface. Il manque l’année, toutefois. 1916. Edmond n’imagine
pas combien de temps il restera là. A Reisen.
J’attendais toujours pour vous
écrire d’avoir de vos nouvelles mais je ne vois rien venir. Je commence à
trouver le temps long. Prends
patience, Edmond ; tu n’as pas fini d’attendre. Il y a un
capitaine qui a écrit en même temps que nous et qui a déjà reçu trois lettres. Mais tes parents n’ont pas encore reçu la
carte où tu donnes ton adresse, ils ne la recevront qu’après-demain. Dieu sait
quand arrivera celle que tu es en train d’écrire. C’est bizarre,
mais enfin il faut prendre son mal en patience. Et puis je pense que vous avez
dû être plus malheureux que moi, si vous n’avez pas reçu de mes nouvelles
rapidement. On nous avait pourtant bien promis que les cartes du 21 et du 29
partiraient tout de suite. Elles
ont fini par arriver, en tout cas. Car je ne sais pas si je vous
l’ai dit mais nos lettres restent 10 jours en dépôt avant de partir. Le temps
continue à être mauvais, il ne se passe pas une journée sans pluie ou orage. Je
passe mes journées à faire un peu d’allemand, je traduis les communiqués dans
les journaux allemands. _ Les promenades à l’extérieur ont commencé. Je suis
sorti jeudi. Je marque par un tiret
bas l’étirement volontaire de certains points qui servent manifestement à faire
l’économie d’un changement de paragraphe. Nous avons été nous
promener une heure et demie dans la campagne. _ Hier dimanche, nous avons été à
la messe à l’église de Reisen. Mon commandant a dans sa cantine des lettres
qu’il ne voudrait pas que sa famille ait. Il avait donné des instructions à
Dagnicourt. Il m’a demandé de demander à papa s’il ne voudrait pas se charger
de rappeler à Dagnicourt « qu’il n’oublie pas les recommandations faites
au sujet des lettres de la sacoche placée dans le bissac de la selle. » Si
les cantines sont arrivées au dépôt, il voudrait que tu lui fasses envoyer en
colis de cinq kilos : le linge, les cols de tunique et poignets ficelés,
les portefeuilles livres, une tunique bleue avec la culotte, des souliers et
des bandes molletières. Il voudrait qu’on envoie à sa famille sa sellerie, ses
manteaux bleus et sa peau de bique. Si cela n’était pas possible dis-le
moi ; mais fais tout ton possible, car je serai heureux d’avoir pu lui
rendre service, car c’est un brave type. Il voudrait aussi qu’on lui expédie
ici les paquets arrivés à son adresse depuis le 20 mai. Je te rappelle son
nom : Ct Germain du Pavillon (ou
peut-être plutôt Guain du Pavillon ; une requête Google éclair ne m’en dit
pas plus). _ Le courrier de ce soir vient d’arriver, il n’y a encore
rien pour moi. Et il n’y aura rien
demain, ni après-demain. Mais ça viendra. Je vous quitte en vous
embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis et toute la
famille. Votre fils qui vous aime de tout son cœur. EAnnocque
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