L’art
du dialogue avec les Panotes n’est pas une sinécure car, en raison de
leur conformation, ils ont tendance à s’exprimer
dans leur barbe et à ne pas écouter. Il faut, pour discuter
couramment avec un Panote, atteindre à un degré d’intimité qui lui
permette de se tenir devant vous les oreilles relâchées, la bouche
découverte avec tout le reste, c’est-à-dire complètement nud. Encore
faut-il qu’il ne se sente pas de gêne, ce qui tortillerait autrement le
propos, et prendre garde à ne pas marcher sur ces
grandes esgourdes qui peuvent occuper, selon le cas, la moitié d’une
salle de bal. Malgré cela et peut-être pour cette raison, ils forment
des sociétés harmonieuses où les individus s’entendent
bien, les amants se repliant dans leurs oreilles respectives au
moindre signe de dispute. L’expression de la colère ou du désaccord se
borne par conséquent à quelques grimaces du nez ou du front,
éventuellement quelques gestes – mais jamais jamais avec leur bâton
de promenade qui les accompagne en tous lieux.
Ils font cailler le lait dans des auges de dix pieds sur dix sur quinze.
Céline Minard, So Long, Luise, Denoël, 2011, p. 123-124.
Les fabuleuses oreilles des Panotes sont tout leur vêtement, et chaque fois mon nez s’épate un peu davantage devant la langue à
facettes de Céline Minard. (Trois petits rappels.)
(Ah oui, belle langue que celle-ci!)