samedi 3 avril 2010

Faut-il donner un nom aux gens qui écrivent ?


Je n’aime pas beaucoup essayer de mettre des mots sur ce que je fais. Encore moins essayer d’en mettre un seul sur ce que je suis par ce que je fais. Ecrivain, j’ai du mal. Romancier ? C’est bien pire. Les poètes, eux, sont poètes ; ce n’est pas plus mal durant une seconde – sûrement parce que je ne suis pas directement concerné : très vite c’est à peine mieux. Auteur, d’accord – mais pas dans le vide, comme ça, en suspens. Non : auteur de, suivi de la liste. Mais je n’y crois pas bien, au fond, à ces listes. Même auteur de, j’ai du mal à y croire. L’auteur est-il vraiment l’auteur de son texte ? Qui me dit que ce n’est pas plutôt le texte qui est l’auteur de l’auteur ?
Quand je pense qu’il y en a qui, non content(e)s de cette croix, veulent la surcharger d’un e. Le jeu de mots de l’écrivain n’était pas assez lourd comme ça, il faut en rajouter. La chance d’être un homme dans cette histoire, c’est bien que le masculin n’existe pas en français. (C’est quoi la marque du masculin en français ? C’est rien. Le masculin, c’est du neutre. Le féminin en revanche, il existe : il y a un e.) Ça donne de l’auteure, de l’écrivaine, de la poétesse-que-c’en-est-une ?, de la romancière-à-la-romance-d’hier… Ça me fait penser aux écrivains francophones, tiens. Espèce de francophone ! (De langue française, je préfère : c’est quand même moins exclusif.) Ou le rayon gay, même combat.
Plus on rajoute du sens, plus on exclut. Non, écrivain, tout court, au fond, ce n’était pas mal. Flaubert est un écrivain, ça va très bien. Kafka, Woolf, Michaux, Beckett, pas de problème. Pas besoin de se demander si c’est du roman ou non, de la poésie ou non. (Il y en a qui se battent encore là-dessus. Alors que la première question, c’est quand même est-ce que ça vaut la peine ? Merci à ceux dont les piles chez Virgin nous mettent tous d’accord.) Comment donc se fait-il que ça devient si lourd à porter ? Le poids de nos aînés ? Ou plutôt l’excessive légèreté de certains de nos contemporains, si légers qu’ils flottent grassement à la surface ?

Commentaires

Entièrement d'accord avec ta critique du mot affreux d'"écrivaine" ou d'"auteure" : comme s'il fallait une catégorie bien définie où enfermer celui ou celle qui écrit.
Le transexuel mettant la main à la plume (si j'ose dire), on le mettra dans quelle boîte ?
Ecrivain, tout simplement, et puis, pour sourire : "littérateur" !
Commentaire n°1 posté par Dominique Hasselmann le 03/04/2010 à 10h13
Ecrivain, c'est mieux, mais j'ai quand même du mal. En fait j'ai du mal avec les noms (même le mien !).
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 12h36
Disons alors "chercheur de phrases" (c'était bien "chercher", oui, merci, et non pas "faire" une phrase).
Commentaire n°2 posté par albin le 03/04/2010 à 10h16
"Chercheur de phrases", ça me plait d'autant plus que le chercheur en question en est tout bon ! (aucun mérite, je vous dis : j'avais mes Jumelles sous la main)
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 15h43
Greffier? Greffière? (Le féminin est plus acceptable.) Reste la question des transexuels... Transgreffier?
L'impression de n'avoir rien apporté au débat... Qui reste à quoi ça sert?
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 03/04/2010 à 10h26
Transgreffier, j'aime beaucoup : ça sent la transgression avec un cheveu sur la langue. Pas d'accord pour que les transsexuels se l'accaparent.
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 15h47
Hublotier ? Hublotière ?
Commentaire n°4 posté par Chr.Borhen le 03/04/2010 à 10h50
C'est joli, mais un peu spécialisé tout de même. Certains ont de larges baies vitrées désembuées.
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 15h50
Ce souvenir d'un échange sur le plateau de feu "Apostrophes" au début  des      années 80... Une femme (qui ? je ne sais plus) qui trouvait que le mot "écrivaine" n'était pas bon parce que, disait-elle, "écrivaine, ça fait vaine..." et Benoîte Groult, qui lui faisait face, de répliquer : "Et écrivain, ça ne fait pas vain ?..."... et du coup, j'y pense, "hublotier, ça fait tier..."
Commentaire n°5 posté par Gilbert Pinna, le blog graphique le 03/04/2010 à 11h17
Les sonorités, on n'y échappe pas. Que dire des turgescents dramaturge !...
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 15h55
Grefier, fier! Greffière, fière! Nous tenons le bon bout!
Commentaire n°6 posté par Depluloin le 03/04/2010 à 11h25
Oh, la fierté est souvent mal placée. (Je reconnais là ton goût pour les bouts ! )
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 16h01
Moi j'aime dire écrivain surtout pas le féminin, je suis pour conserver le masculin là où on tente de féminiser la langue et je dis, madame le ministre, na!
Le problème c'est que beaucoup "d'écrivaillons" (j'invente) se prennent aujourd'hui pour des écrivains...
(et là, je suis heureuse de voir que Ch. Borhen réapparaît et qu'il est en vie...)
Commentaire n°7 posté par Ambre le 03/04/2010 à 11h38
Je suis complètement d'accord, pour la raison grammaticale évoquée (rapidement, certes) ci-dessus : pourquoi vouloir féminiser des noms qui n'ont pas de masculin ? Qui plus est, si l'égalité doit passer par le langage, à quoi servent ces différenciations ? Déjà que la féminisation réelle ou supposée du lectorat encourage certains éditeurs à viser un public féminin (dérive assez peu dénoncée, d'ailleurs)...
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 16h12
Un écriveur, une écrivette ?(!)
Commentaire n°8 posté par ArD le 03/04/2010 à 12h25
Une écrivette ? Miam ! Où donc ? que je l'épluche et la croque sans tarder !
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 16h13
Ecrivain, poète, oui, c'est lourd à porter. J'aime mieux homme de lettres.
Commentaire n°9 posté par dominique boudou le 03/04/2010 à 16h18
Comme ça ?

Réponse de PhA le 03/04/2010 à 16h20
Lectorat à majorité féminine, certes. Mais il faut savoir que certaines femmes ont des... euh... ouille(s)! sans être trans... (sibériennes, tsss) et en restant féminine. Quant à penser en éditant à un lectorat féminin, je trouve cela choquant, réducteur.
(désolée)
Commentaire n°10 posté par Ambre le 03/04/2010 à 16h36
Je dirai même plus : c'est réducteur et choquant. (Parfois, quand je suis d'accord, je porte melon et moustache.)
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 17h13
Facteur? (homme de lettres...) Pardon!
(Ambre, coucou!)
Commentaire n°11 posté par Depluloin le 03/04/2010 à 16h40
Depluloin, si, au lieu de faire des clins d'oeil aux dames à travers mes hublots, vous étiez venu jusqu'au Salon du Livre (je sais : la distance, pour vous, est considérable), j'aurais pu vous présenter celle-ci !
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 17h18
Cet homme de lettres me plaît car on pourrait voir une femme. Et j'aime son immobilité creusée par le vide.
Commentaire n°12 posté par dominique boudou le 03/04/2010 à 16h41
N'est-ce pas ? (On se voit à l'Escale du Livre ? Nous pourrons comparer comment le vide nous creuse.)
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 17h15
(Coucou Depluloin... j'espérais vous voir chez Quidam et boire un vrai liquide avec vous, tsss, sniff)
Commentaire n°13 posté par Ambre le 03/04/2010 à 17h13
C'est ce que je lui disais à l'instant. J'adore le culpabiliser.
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 17h20
Oui et en plus il aurait pu faire ensuite un billet sur vous, aussi sympathique que celui de D.H.;o)
Commentaire n°14 posté par Ambre le 03/04/2010 à 17h42
C'est vrai, ça ! Allez, Depluloin : un billet ! un gros, avec plein de zéros !
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 17h48
Je connais un féminin qui est très moche au masculin: écritureuse=heureuse en écriture // écritureur= ecriture de malheur. Comment ça c'est moche dans les deux  cas et ça n'existe pas ? On peut plus inventer de néologismes !
Commentaire n°15 posté par Zoë le 03/04/2010 à 18h30
A ne pas confondre avec écritueur et écritueuse !
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 18h54
"Qui me dit que ce n’est pas plutôt le texte qui est l’auteur de l’auteur. " C'est très juste. On se donne de l'épaisseur en écrivant. Pour ce qui est du féminin, lis ce texte — non ma note de lecture mais le texte lui-même —  il est question du féminin dans la langue, dans la dernière section du recueil : http://rverger.com/sophie-loizeau.html
Commentaire n°16 posté par Romain le 03/04/2010 à 21h06
C'est d'ailleurs à un texte dont je t'ai parlé que je pense en écrivant ça.
Belle note de lecture ! (mince ! il ne fallait pas la lire...) En tout cas elle a une belle bibliographie, j'irai y voir de plus près. (J'ai bêtement dévié vers la mise au féminin quand mon propos principal concernait le nom qu'on donne à la personne derrière le texte.)
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 21h38
Oui, mais tu sais bien qu'il ne faut pas compter sur les lecteurs pour retenir ce que l'on a chercher à faire passer. Ils te conduisent toujours ailleurs, et c'est tout l'intérêt.
Commentaire n°17 posté par Romain le 03/04/2010 à 21h47
Comme la plupart du temps je ne suis pas bien sûr moi-même de savoir ce que j'ai cherché à faire passer, sans lecteurs je suis perdu !
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 21h59
infinitif en trop, à effacer. C'est l'effet des épices sur l'orthographe.
Commentaire n°18 posté par Romain le 03/04/2010 à 21h48
Impossible. Je ne peux pas effacer : tu dois assumer. (En revanche je mets à ta disposition une sympathique petite palette d'outils où figure notamment la possibilité d'insérer un lien sans écrire de grossièretés du genre "http...")
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 22h03
Je déteste écrire aux amis en en profitant pour faire de l'autopromotion.
Commentaire n°19 posté par Romain le 03/04/2010 à 22h11
En l'occurrence, c'était la promotion de Sophie Loizeau que tu faisais. (Et hop !)
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 22h31
Seriez vous un écritueur par noyade ?
Commentaire n°20 posté par Zoë le 03/04/2010 à 22h15
Drowning by letters, aurait dit Greenaway. (Mais qui sait ? - surtout le samedi...)
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 22h37
écriteur c'est joli - que le masculin n'existe pas et ne soit que neutre, nous appartienne, c'est ce que je me tue à dire à mes amies féministes
Commentaire n°21 posté par brigetoun le 03/04/2010 à 22h18
C'est que vous êtes meilleure en grammaire qu'elles - vous pouvez leur dire aussi.
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 22h39
D'ailleurs, attends-toi dorénavant à me voir surgir chez toi comme un Jack in the box sous pseudo. Ce sera beaucoup plus amusant, pour toi comme pour moi.
Commentaire n°22 posté par Romain le 03/04/2010 à 22h19
Mais je te débusquerai et ferai vibrer tous les fils de la Toile de ton nom.
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 22h42
@ Zoé : juste noyé dans l'écrit, plus tué que tueur.
Commentaire n°23 posté par Drossart le 03/04/2010 à 22h24
Vu ! (et bien vu aussi...)
Réponse de PhA le 03/04/2010 à 22h42
Mal réveillé (par le Mâtin qui gratte à la porte), j'ai d'abord lu "Mais je te débusquerai et ferai vibrer tous les fils de Troie de ton nom" avant qu'une lecture plus attentive ne me ramène à la réalité rugueuse.
Commentaire n°24 posté par Emma le 04/04/2010 à 06h27
Les métamorphoses jouent sur les perceptions (souvenir d'une lecture récente).
Réponse de PhA le 04/04/2010 à 09h43
Déjà 24 commentaires... cela vaut-il le coup d'en écrire encore un? Si n'est pas écrivain celui qui écrit, qu'est-ce qu'est celui qui pense écrire et n'écrit jamais? D'acc avec Ambre : écrivain - c'est bien!
Commentaire n°25 posté par Aléna le 05/04/2010 à 23h01
Un sage ? (proposition de réponse à la question n°2)
Réponse de PhA le 06/04/2010 à 09h08
 

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