Depuis Bastard Battle (qui m’a inspiré, en 2008, le 3e billet de ce blog et le premier tagué « hublog à lecture »), j’ai lu tous les livres de Céline Minard dans les mois qui ont suivi leur sortie (dans les limites de mes disponibilités, l’élasticité du temps connaissant quand même quelques limites). Je ne connais pas vraiment Céline Minard ; n’empêche : elle est à chaque lecture ma copine d’enfance retrouvée en littérature vivante.
J’ai profité des vacances pour lire son récent Tovaangar : presque 700 pages, il fallait le temps. Je l’ai lu ou plutôt je l’ai visité, exploré, car la lecture de Tovaangar est un voyage. Il se trouve que j’avais étudié, juste avant les vacances et ma lecture, quelques extraits de la Bible avec mes 6e, et notamment l’histoire du péché originel. Alors le « Hidden » du roman, un Los Angeles d’après (Tovaangar est, pour dire court, un roman « post » qui réfute l’apocalypse) que découvrent Ama et ses coéquipiers, a tout de suite résonné autant avec Eden qu’avec « caché » – les deux faisant parfaitement sens ensemble : Eden est caché, il faut le retrouver.
Je ne vais ni résumer le roman ni en faire l’analyse ; vous avez déjà trouvé tout ça ailleurs. Je vais juste, une fois n’est pas coutume et je trouve ça rigolo, dérouler encore un peu mon fil biblique. Car il y a une faute aussi à l’origine de Tovaangar ; il y a un péché originel, et il est inscrit dans le nom même que nos successeurs nous donnent : les Extracts. Ceux dont l’activité principale n’a consisté qu’à extraire ce que la Terre (et aussi l’eau car l’héroïne du roman est une rivière, Los Angeles River devenue ou redevenue Paayme Paxaayt) pouvait donner. Autrement dit, si je rouvre ma Bible, les Extracts ont fait ce que Dieu a dit à l’Homme qu’il pouvait faire avec la Terre, les plantes et les animaux : « faisons l’homme à notre image et qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre ! » Et même sous la terre, pendant qu’on y est. Évidemment Dieu a tort, puisque c’est l’homme qui l’a créé à son image ; on comprend tout de suite l’intérêt de la chose. Mais l’homme, lui, n’a pas tort sur tout : il garde un reste de conscience que ce cadeau qu’on lui fait ou plutôt qu’il se fait est une usurpation (et en ce qui concerne notre rivière, un détournement). C’est pourquoi les personnages de Tovaangar ne sont pas nécessairement humains, ni nécessairement non-humains non plus. Oublions la Bible : il n’y a plus de hiérarchie entre les êtres. Tout le monde, corps animaux reconnaissables ou non, corps végétaux aussi (les champignons me manquent un peu) existent, coexistent, est en relation. Pas besoin d’être humain pour trouver comment et avec qui communiquer, avec qui aimer, et la plupart des personnages ne le sont pas, ne le sont plus, ne le sont pas tant que ça, humains, et le sont bien davantage. La rivière déborde, la faute est lavée, on peut vivre autrement à Tovaangar.

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