Tu vois cette photo ? Je l’ai prise tout à l’heure dans la forêt. Elle dit bien ce que je veux dire. Elle dit bien que je ne peux pas dire, qu’on ne peut pas dire. On peut toujours essayer. On peut dire, par exemple, que sur le tronc d’un arbre mort, vraisemblablement avant que l’écorce ne s’en détache, des insectes xylophages ont creusé ces sillons, pour se nourrir. On peut se tromper mais c’est vraisemblable. On peut dire aussi que, par un hasard qui n’existe que dans mon regard et maintenant dans le tien, des signes, des lettres sont inscrits sur le bois et tracent un message qu’on n’est pas en mesure de comprendre. C’est faux, bien sûr, mais c’est peut-être plus vrai que ce qu’on a dit d’abord, à propos des insectes xylophages. Bien sûr que tout a du sens, et bien sûr aussi que plus tu es savant, mon petit bonhomme, plus tu es capable de mettre du sens où il y en a – et plus tu es capable de voir à quel point tu es incapable de mettre du sens à ce que tu vois. Tu crois comprendre un peu ce que tu vois, ce que tu entends, et ce qu’on te dit, puisque le langage est fait pour se comprendre ; c’est une illusion ; tu ne comprends presque rien. Tu n’es pas fait pour comprendre. Voilà : tu n’es pas fait pour comprendre.
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