Après Cosmicomics, j’ai voulu combler une lacune ancienne : je n’avais jamais rien lu de Dickens, aussi ai-je commencé Les Aventures d’Olivier Twist, que j’ai terminé à l’instant seulement : le roman est épais, et dans le même temps je gravissais des volcans, je décollais des berniques et j’épluchais des pêches ; on ne peut pas faire que lire. En réalité c’est moins la conscience de mes lacunes, dont je me soucie peu (tout est lacune et seules des conventions culturelles éminemment discutables imposent la lecture d’un livre plutôt que d’un autre), qu’un récurrent désir d’antipodes littéraires qui m’a fait me plonger, avec un étrange plaisir, dans ce roman. Dickens est un raconteur d’histoires, peu soucieux de vraisemblance dans l’intrigue et en même temps très précis dans la description de Londres et de la société de l’époque, délibérément caricatural voire manichéen, très graphique dans les portraits. Un narrateur omniscient, volontiers distancié et ironique, parvient pourtant à rendre émouvant ce qui doit l’être. Tout cela est assez téléphoné, le héros en titre est finalement assez falot (et même carrément absent du récit durant cent quarante pages de mon édition qui en compte cinq-cents) au profit d’une galerie d’autres, mais en fait, on s’en fiche : ce livre est vraiment ce qu’on n’appelait pas encore à l’époque un page-turner. D’ailleurs c’était un feuilleton, et à ce propos je me dis que la publication en volume, qui n’a pas tardé à suivre, fait perdre quelque chose au lecteur : dès que les choses commencent un petit peu à s’arranger pour Oliver, le nombre de pages restants informe le lecteur que ce n’est qu’une embellie passagère ; le lecteur en feuilleton ne disposait pas de cette information, et c’était tant mieux pour lui.
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