Certains auteurs peuvent être appréciés pour leur légèreté ; ce n’est pas le cas d’Eric Chevillard. Chez lui, la gravité l’emporte. Voici en effet que l’auteur de Choir, rappelez-vous, est au bord de la rechute. Il nous le confie dans son dernier opus, moins récit que confession, moins roman qu’autoportrait : Craintif des falaises. C’est paru ce mois-ci à l’Arbre vengeur, lequel à l’occasion lui tendra bien une branche à laquelle s’accrocher – pourvu qu’elle ne soit pas vermoulue. L’acrophobie en effet, communément appelée vertige, est le sujet dont souffre notre auteur ; on s’en doutait depuis Au plafond. De Flaubert à Hitchcock, de Dante à Michaux, notre homme convoque quelques précédents vertigineux pour l’accompagner dans sa tentative désespérée d’échapper à la chute, laquelle est avec talent mais non sans cruauté superbement illustrée par Killoffer. Le lecteur quant à lui reste bien accroché à sa lecture, l’écriture de Chevillard est un piton planté dans la page blanche de craie des falaises normandes qui inspirèrent à Agathe, l’aînée de ses pierres précieuses, son surnom de « craintif des falaises ». C’est donc allègrement que, confortablement enfoncés au plus profond de notre canapé, nous suivons les lignes (de crête bien sûr) d’un auteur qui a bâti toute son œuvre au bord du gouffre (je pèse mes mots de peur qu’ils ne l’y entraînent) sans jamais, juste ciel ! y sombrer jusqu’à présent. Mais il me reste encore quelques pages ; je retourne sans tarder à ma lecture, bien curieux d’en découvrir la chute.
Parfait !
RépondreSupprimerMerci Estelle !
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