Je viens de rentrer à l’instant – heureusement que je n’écris pas ceci à la main : j’ai encore les doigts tout engourdis par le froid – on n’est pas en mai ; je viens de rentrer à l’instant et je voudrais évoquer (plus, je ne saurais pas) ma lecture de la deuxième épée, de Peter Handke, que je viens de terminer à l’instant. Je savais en effet, en prenant le chemin du retour vers mon domicile, que la durée du trajet, trajet qu’évidemment je connais par cœur, coïnciderait avec le nombre de pages qui me restaient à lire, et j’avais envie renouer avec cette pratique ancienne : lire en marchant. Ou plutôt, la lecture de la deuxième épée m’a donné l’envie de renouer avec cette pratique ancienne. Le narrateur pourtant ne fait pas qu’y marcher ; d’ailleurs il faut attendre la deuxième partie du récit pour qu’il parte – souvent chez Handke le protagoniste part. Il a un but, c’est le sien, qui donne au livre son titre un peu mystérieux, sur lequel personnellement je ne m’étendrai pas ; je ne vois pas de qui ou de quoi venger ma mère (ou bien je ne le vois plus depuis ce livre-là, vous savez). Car peut-être suffit-il de partir, de prêter une attention véritable à qui nous entoure, que ce soient des personnes ou des animaux, des plantes ou des paysages, pour s’entendre raconter sa propre histoire, son épopée intérieure. (Les lieux ? Presque ceux que je parcours régulièrement ; vingt ou trente kilomètres nous séparent.) J’ai pensé quelque chose comme ça ce matin, en traversant la cour vide et gelée du collège : je me concentrais sur le paysage sonore, essentiellement des oiseaux – notamment des mésanges – dont les « chants », dont le langage inconnu résonnait, réverbéré par les bâtiments. Ça me dit quelque chose sur ma vie. Quand je lis Handke, quand je lis la deuxième épée, ça me dit quelque chose sur ma vie.
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