PSYCHOTER et TRAVELOTER
Ils sont certainement tout récents, ces deux suffixés en -(o)ter construits sur des formes terminées par
un -o. Je les ai repérés tous les deux en 2006, mais bien sûr ils existaient sûrement avant. Pour psychoter,
c’était le 26 novembre, à 13 h 47, dans un programme sportif de
France 3. Un champion de skate-surf (c’est de la planche à voile
acrobatique) émettait un avis plein de bon sens : « Pour gagner, faut
pas psychoter. » Pour traveloter,
c’était Steevie, à l’émission « On a tout essayé », sur France 2. Le
21 octobre, à 19 h 20, il y faisait un aveu : « J’me travelote pas tous
les jours non plus ! » Aucun
des deux n’avait l’air de considérer comme insolite le verbe qu’il
utilisait.
Depuis,
les deux verbes se sont répandus. Ainsi, un site d’actualité
télévisuelle annonce, le 6 avril 2009 la
diffusion de « la dernière adaptation cinématographique de la
comédie musicale “Hairspray”, avec un John Travolta ravi de se traveloter », où l’on remarque le beau jeu de mots
entre Travolta et traveloter. Quant au sens, il n’est peut-être pas aussi clair qu’il y paraît : se traveloter est-il un équivalent pur et simple de se travestir,
c’est-à-dire, pour un homme, s’habiller en femme ? Ne s’agit-il pas plutôt de se présenter comme un travelo ? Ce n’est pas tout à fait la même chose…
Psychoter n’est pas plus simple. Pour le champion de skate-surf, c’est se laisser aller à de lourds
soucis, propres à faire perdre la concentration nécessaire à « la gagne ». Mais voyez le site « actualité-sciences.com » du 15 octobre 2008 :
Psychiatre
des hôpitaux, Bruno Verrecchia relativise l’impact de la crise
financière actuelle sur la santé
mentale des citoyens. Et rejette le principe d’un test psychologique
lors de l’embauche des traders, comme le suggère le député Nicolas
Dhuick. La crise financière ne doit pas faire
« psychoter ».
Ici psychoter – dûment guillemeté – a le sens de « psychiatriser », explicitement donné comme
équivalent de psychoter en un autre point de l’article.
Michel Arrivé, Verbes sages et verbes fous, Belin,
2010.
De boboïser à délinquer, de démathématiser à dousteblazouiller, on finit par
arriver à psychoter et traveloter, chez le même Arrivé rencontré il y a peu au seuil d’Un bel immeuble, revenu pour un temps à une linguistique tout public qui traque les
Verbes sages et verbes fous, avec quand même une préférence
pour les seconds. Dans l’espoir d’un additif à l’article ci-dessus dans
une prochaine réédition, j’apporte ma pierre à
l’édifice – entendez : je raconte ma vie, laquelle aujourd’hui se
résume à un aveu :
MOI AUSSI, J’AI PSYCHOTÉ.
Mais
rassurez-vous : c’était il y a longtemps. C’est d’ailleurs là tout
l’intérêt de mon témoignage : je
suis en mesure d’officiellement confirmer le soupçon de Michel
Arrivé - j’ai psychoté bien avant 2006. (D’ailleurs, en 2006, il y a
longtemps que je ne psychotais plus. Il n’aurait plus manqué
que je psychotasse encore passée la quarantaine !) Non, c’est bien
plus tôt, vers la fin des années 80 que, durant quelque trois semaines,
j’ai psychoté. En effet, il a bien fallu que je
passe (non sans quelque retard) un certain temps sous les drapeaux,
et c’est à cette occasion que j’ai appris une autre acception, sans
doute assez ancienne, du verbe psychoter, dont
j’offre la primeur à notre chasseur de verbes. A l’armée, en effet,
psychote tout individu incapable de marcher au pas. L’expression est
bien venue, je trouve : elle exprime assez clairement
le fait que le psycho (car c’est par ce déverbal régressif qu’on désigne le coupable – à ne pas confondre avec son homonyme abréviation de psychopathe)
fait davantage confiance
à son esprit qu’à son corps, quoi qu’il fasse, y compris quand il
s’agit de marcher au pas – et c’est là qu’il a tort ! Car pour bien
marcher au pas, il vaut mieux en effet oublier de
penser. (On ne s’est d’ailleurs pas gêné pour me faire savoir que
les étudiants avaient une assez forte propension à psychoter.)
Toutefois, au bout d’un certain temps, j’ai cessé de psychoter. Il
faut dire aussi qu’on nous faisait chanter, et j’aime tellement
chanter que j’en oublie de penser (de mémoire, pardon pour les
erreurs) :
« … Prends garde si devant si devant sa lunette
Un jour tu passes, il te restera trois secondes
Pour qu’à jamais, ta pauvre vie s’arrête :
Le béret noir t’envoie dans l’autre Monde.
L’éternité te sera moins pénible ;
Tu te diras : "Ce n’est pas le hasard.
C’est sans retour, quand on devient la cible,
Du béret noir, toujours premier des chars." »
(car c'est ce que je retiens de plus important de ce billet... pardon!)
Plus je lis Mahmoud Darwich,tellement bien traduit par Elias Senbar,ou Gabo(Gabriel Garcia Marquez) traduit par Annie Morvan,etc... plus je me dis que rien ne vaut la façon de dire ,plus que le dit lui même.
Quant aux ordres, quelsqu'ils soient,c'est sûr qu'ils sont des empêcheures de discuter en rond. demandez à Sitting Bull comment ça discutait dans sa tente?....Véronique
A l'armée, je n'ai pas entendu, en revanche d'Algérie française, un seul mot avec la racine "psycho" (seul "moteur" pouvait s'en rapprocher...).
Quant aux chansons en marchant : "France, ô ma France très granannnnnnnnnnnnnde...", c'était entraînant, y'a pas à dire !
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Ce blog, décidément, c'était tout l'univers dans une boule à neige !