mardi 9 décembre 2008

Seul à voir (les formes classiques de ma colère)

Après l’une de ces innombrables zones d’ombre – et pourtant je les sonde, vous pouvez me croire, je les sonde avec une opiniâtreté désespérée – après l’une de ces innombrables zones d’ombre – et déjà je peux me féliciter de pouvoir dire « après », un « après » certes plus probable que certain, mais tout de même probable – après l’une de ces innombrables zones d’ombre, me voici arrivé chez mes parents, à surveiller les voitures qui se garent dans l’allée devant la maison.
Ma présence n’est pas inutile : en voilà une qui arrive à toute vitesse (alors qu’elle est étroite, cette allée gravillonnée), qui arrive beaucoup trop vite, jamais elle ne va pouvoir s’arrêter à temps ; et voilà ! je l’avais dit, elle est à moitié passée par-dessus le premier rocher de la rocaille, quelle sauvage ! elle va saccager tout le jardin !
Je commence à faire connaître mon mécontentement – la colère, chez moi, monte facilement et prend des formes classiques : j’élève le ton ; disons-le carrément : je crie. Mais voici qu'une seconde voiture s’est déjà garée juste derrière la première (c’est vrai que l’allée est courte, les voitures auront du mal à s’y garer toutes), et la vitre arrière de cette deuxième voiture se baisse en réponse à mes cris. Patrick Dupond, simple passager, passe la tête par l’ouverture et me regarde, visiblement affecté par mon agressivité, presque prêt à y répondre. J’ignorais sa présence. Je me raisonne, je me calme.
Il vaut mieux en effet aller constater les dégâts. De près, j’observe que la première voiture qui, soulevée par le rocher, pointe l’avant vers le ciel, est en réalité d’une légèreté surprenante. A y regarder de plus près, c’est à peine une voiture : elle ne semble même pas entière. C’est un fragment clair irrégulièrement fuselé, que l’on peut facilement transporter. En effet il s’emmanche sans peine à mon épaule, et son poids m’apparaît quasi dérisoire. Je tiens d’ailleurs à en faire la démonstration, je m’en vais comme cela en compagnie, jusque dans les grandes surfaces, avec à mon bras droit cet éclat clair, presque aussi long que mon corps entier, tendu vers le ciel.





Commentaires

Et ce Seul à voir, on le trouvera quand en librairie ? :))
Commentaire n°1 posté par Didier da le 09/12/2008 à 07h29
Un jour, j'espère bien !
Coïncidence : c'est mon Liquide, que j'ai vu par hasard hier déjà référencé sur Amazon, l'Arbre à lettres et ailleurs, sans couv ni 4e - forcément. Un début d'existence officielle, ça fait plaisir comme un ventre qui s'arrondit (sauf quand c'est le mien).
Pour ces choses que je suis Seul à voir, elles sont encore loin de la mise en forme définitive - et les mettre ici, justement, c'est les voir autrement, ça me donne à penser.
C'est aussi une manière de montrer autre chose que ce qui a été publié, ce qui affleure à la surface - c'est, disons, mon écriture sous-marine.
Commentaire n°2 posté par PhA le 09/12/2008 à 08h41
Ton liquide arrondit ton ventre ??! Mais c'est l'événement le plus extraordinaire depuis que l'homme a marché sur la lune...

En tout cas il faut garder ce titre, Seul à voir, il est très beau.
Commentaire n°3 posté par Didier da le 09/12/2008 à 10h36

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