jeudi 29 juin 2023

Au sujet de l’imagination et du hors sujet au brevet 2023

Abondance de hors sujet au brevet cette année pour le sujet d’imagination – et c’est bien l’imagination qui est en question. Il était pourtant fort classique, le sujet : à la suite d’une étude d’un extrait d’Histoire de ma vie de George Sand, où sont évoqués ses jeux d’enfance (une rivière imaginaire tracée à la craie dans la chambre de la narratrice qui devient un lieu formidable d’aventures), et alors même que les questions d’interprétation ont été plutôt bien comprises dans l’ensemble, on demandait aux candidats :

« Il vous est arrivé d’être pris dans un jeu qui vous a entraîné progressivement dans une aventure intense.

Vous raconterez cet épisode à la première personne.

Vous pourrez enrichir votre récit par des descriptions, l’expression des sentiments et des sensations. »

Rien que de très classique, donc ; tout le monde a déjà traité sensiblement ce même sujet (ma mémoire un peu spéciale me signale que, dans mon cas, c’était au début de la classe de cinquième, à l’automne 1975, avec Madame Germain). On imaginait que les candidats rendraient hommage à leur propre imagination, celle qui animait, celle qui anime encore leurs jeux d’enfants, ces jeux qui le plus souvent se jouent avec presque rien sinon, précisément, l’imagination. Et qu’a-t-on lu ? Des résumés plus ou moins maladroits de Jumanji (cette série de films où des ados sont précipités dans une sorte de jeu vidéo dont ils doivent parvenir à s’extraire avec les moyens fournis par le jeu). L’adaptation des jeux vidéo au cinéma donnent rarement quelque chose de bon ; l’adaptation de films en rédaction de troisième non plus. Il vaut toujours mieux travailler avec ce qu’on a en soi. L’imagination, la pratique du jeu vidéo (qu’il m’arrive de partager, les lecteurs de Vie des hauts plateaux le savent – ou le découvrent), pousse à la considérer comme quelque chose d’extérieur à soi, quelque chose qui nous est offert par la technique (on est loin du jeu des enfants pauvres). Dès lors, rien d’étonnant à ce que la phrase « Il vous est arrivé d’être pris dans un jeu qui vous a entraîné progressivement dans une aventure intense », relisons-la telle qu’elle est formulée, puisse être interprétée comme une invitation à raconter une nouvelle version de Jumanji. Hors sujet ? Ou bien sujet formulé par des concepteurs quelque peu coupés des pratiques contemporaines ? Car de l’imagination en rédaction, mes élèves de cette année (certes plus jeunes) ont bien su me montrer qu’ils n’en manquaient pas.





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