mardi 27 juin 2023

Ma lecture des Grands Singes, de Will Self

Je viens de terminer la lecture des Grands Singes, de Will Self. C’est l’histoire de Simon Dykes, un chimpanzé qui se prend pour un humain. Un artiste de renom, par ailleurs. La première partie est extrêmement déroutante : racontée du point de vue de Simon Dykes, on le suit dans les préparatifs de sa prochaine exposition, dans son histoire d’amour avec Sarah, et surtout lors d’une sortie au Sealink, un bar branché londonien où Simon et ses amis boivent et se droguent. Quoi d’étonnant, me direz-vous ? C’est que tout est raconté comme si les personnages étaient vraiment des humains, comme si le monde entier était peuplé d’humains civilisés et que cela était parfaitement normal, parfaitement dans l’ordre des choses. Ce n’est qu’au bout d’une trentaine de pages, après une nuit d’amour avec sa compagne Sarah – laquelle jusque-là avait toujours été présentée comme une humaine –, qu’à son réveil Simon la voit enfin sous sa forme chimpaine, mais sans pour autant sortir de son délire : il se prend toujours pour un humain, il a des souvenirs de sa vie antérieure sous une forme humaine, il se meut (ou plutôt tente de se mouvoir) comme un humain, il ne comprend plus ce qu’on lui signifie, etc. Le roman est l’histoire du parcours de Simon en quête de sa propre chimpanité, aidé par le docteur Busner. La plongée dans les méandres du délire parfaitement organisé de Simon Dykes amène très finement le lecteur à questionner sa propre chimpanité (davantage encore que dans la Planète des hommes, le roman de Pierre Boulle, auquel il est parfois fait indirectement allusion, par l’intermédiaire de la série de films que ce roman a inspirés). C’est d’ailleurs sous cet angle que je comprends le titre un peu mystérieux choisi par Will Self, les Grands Singes (Great Apes en version originale), lequel sans doute renvoie aussi bien aux hommes qu’aux chimpanzés. Après tout, les hommes ne sont-ils pas nos plus proches parents ?


PS : Coïncidence, qui n’en est pas vraiment une. Je partage avec Will Self un intérêt certain pour l’espèce humaine, et c’est sans doute ce qui nous a tous deux amenés à préfacer un étrange et fascinant roman où les singes n’existent pas et où l’on voit les hommes dans un état, certes encore marqués par la sauvagerie, mais sur le chemin d’en sortir : j’ai nommé Enig Marcheur, de Russell Hoban, chez Monsieur Toussaint Louverture (la préface de Will Self est dans l’édition grand format, la mienne dans l’édition de poche).



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