vendredi 14 novembre 2008

Seul à voir (un petit enfant mécanique)

Un petit enfant mécanique occupe toute mon attention. Bien sûr je ne le lui montre pas, je le laisse aller, je le laisse se livrer à de petits jeux qui se découvrent être les mêmes, à ma grande satisfaction, que ceux d’un enfant naturel. Il est en fait très réussi, ce petit enfant mécanique : rien extérieurement ne permet ne le distinguer d’un autre. Il est même conçu de manière à pouvoir grandir, comme n’importe quel enfant.
Le voilà aujourd’hui qui, pour la première fois, joue avec un autre enfant – un vrai ! – apparemment du même âge. Je passe tout mon temps à les observer, aussi discrètement que possible. Rien ne pourrait me faire plus plaisir que ce spectacle, même s’il y a au fond de moi quelque chose d’un peu douloureux, à considérer cette croissante indépendance.
Ils sont tous les deux tout seuls à l’étage du dessous, tandis que les adultes prennent une sorte de frais nocturne à la terrasse. Ce n’est peut-être pas très prudent, dites-vous, de les laisser sans davantage de surveillance. Après tout, il n’y a qu’un muret qui les sépare d’une route obscure et très passante ; ils auraient vite fait de le franchir. Alors tout de même je me résous à descendre les retrouver : s’il arrivait un malheur à l’enfant mécanique, il n’est pas du tout certain qu’il soit possible d’en réaliser un autre ; la conception de celui-ci relève presque du miracle, au moins en partie, il faut le reconnaître. C’est pourquoi me voilà à présent en pleine précipitation, je ne sais par où descendre, je réclame à grands cris des indications, on me montre l’ouverture de l’escalier qui descend, tout près de moi ; elle est même signalée par une flèche.
 
Me voici à l’intérieur de l’immeuble, appelons ça comme ça. Le décor, un peu chargé, ne manque pas de somptuosité, même si les choses y sont un peu, disons, un peu petites. Je ne sais pas si vous voyez bien ce que je veux dire. C’est l’une de mes impressions en tout cas quand je débouche à l’un des paliers. Il y a beaucoup de dorures et de bois vernis, il y a même des étagères nombreuses plutôt encombrées d’objets que je n’identifie pas ; il faut dire aussi que je n’essaie pas, je n’ai pas le temps, il faut que je me presse, que je trouve le bon chemin ! Par où d’ailleurs faut-il passer, maintenant, avec tous ces escaliers ? Il y en a au moins quatre qui partent du même palier. Certes ils sont on ne peut plus décoratifs, avec leurs formes toutes différentes et tarabiscotées. Mais outre le fait que j’ignore lequel est le bon, leur ascension paraît assez risquée : les marches minuscules vont en rétrécissant, et il n’y a pas de rampe. D’ailleurs certains se révèlent être plutôt des échelles, destinées simplement à permettre l’accès aux grandes vitrines qui me dominent. Heureusement j’aperçois enfin, parmi toute cette confusion, une porte basse qui ne mène à aucun escalier, mais à une large pièce aux meubles bas et noirs étalés horizontalement sur le sol. Je la reconnais soudain : c’est par ici que je suis arrivé. Comment ai-je pu l’oublier ?
 
C’est maintenant par ce large escalier tendu de moquette rase et grise qu’il faut descendre. Ne pas se perdre n’est plus un problème : il suffit de suivre le groupe.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que nous visitons ce musée. Il me semble bien pour ma part que c’est la troisième. Au bas de l’escalier qui tourne, une (cir)conférencière appelle les plus jeunes du groupe, des enfants d’une dizaine d’années, à s’asseoir par terre ou sur les marches. Quelques adultes invitent les enfants à reproduire des sons étranges qu’ils émettent avec leur bouche. Ça a l’air amusant, et bien que je sois déjà un adolescent, je me précipite avec quelques copains et nous nous installons, assis en tailleur, prêts à participer.
Les enfants, naturellement, ne sont pas tous très sages. En voici plusieurs qui entreprennent de sauter des marches de l’escalier, et ce d’une hauteur vraiment peu raisonnable (je dirais bien une quinzaine de marches). Je dois reconnaître que je suis assez surpris et un peu épaté de me rendre compte que certains y parviennent fort bien, et que ceux qui tombent réussissent toujours à ne pas se faire mal.

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