Il se retourna et vit que Silbano désignait un point diffus sur le mur – un autre point, pas le même – et que, de l’autre bras, il semblait lui demander quelque chose avec insistance. Le détective commença par ne pas comprendre ce qu’il voulait. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre qu’il lui demandait la loupe. Mais il ne l’avait plus. Il essaya de lui dire qu’elle se trouvait sur une brique à ses pieds, c’est-à-dire aux siens et à ceux de l’assistant, puisqu’ils étaient très proches l’un de l’autre, mais Silbano ne l’écoutait pas, il était trop occupé à marmonner des mots en désordre qui se percutaient comme des auto-tamponneuses avant même de former l’esquisse d’une phrase. Le détective pensa alors au sens des mots des gens et se dit que le donner pour acquis était peut-être une erreur. Parfois, le sens des mots des gens n’avait pas de sens. Ou alors si, il en avait, mais uniquement pour celui qui parlait, ce qu’il trouva triste. Il se mit alors à désigner de la main la brique où se trouvait la loupe, mais son geste dut manquer de l’emphase suffisante, car son assistant ne se sentit pas concerné.
C’est un extrait de Palais mental, de Guillaume Contré, paru l’an dernier aux belles éditions MF. C’est un très beau palais ; on s’y sent comme chez soi : dans la plus parfaite incompréhension de chaque chose – mais l’enquête continue.
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