Kafka est mort. Évidemment je savais bien que ça arriverait, mais quand même, ça m’a fichu un coup. Pour dire les choses comme elles sont : j’ai pleuré, même si ensuite j’ai ri de mes larmes. Donc oui, certainement, ce deuxième volume de la biographie de Kafka dont – et c’est une coïncidence – j’ai achevé la lecture la veille du centenaire précis de sa mort, est très bon ; mais ne comptez pas sur moi pour vous dire en quoi.
Bien sûr c’est toujours un peu sur soi-même que l’on pleure. Cet auteur définitivement jeune, c’est ma jeunesse. C’est Danielle Auby qui, alors que je suis en classe de première et qu’elle est mon professeur de français, me dit, après voir lu un texte que j’ai osé lui montrer, qu’il faut que je lise Kafka ; c’est bientôt fait, quasi dans sa totalité. C’est Bernard Lortholary, dont, en première année de fac, je suis les cours de littérature allemande et à propos duquel j’apprends qu’une nouvelle traduction du Procès paraît de sa main. C’est le compositeur Vojtech Saudek, côtoyé pendant mes années de théâtre amateur sous la houlette de sa compagne Agnès Delume, dont j’apprends cette année seulement qu’il était le petit-fils d’Ottla Kafka, la chère petite sœur assassinée à Auschwitz – nous n’aurons pas hélas l’occasion d’en parler ensemble. C’est Eric Chevillard qui intitule « Variations kafkaïennes » l’article qu’il consacre à Pas Liev dans le Monde, le jour même où le monde et ma famille sont blessés au Bataclan. C’est Gaston Lagaffe, oui, le Gaston de Franquin, que je découvre à peine plus tôt que que Kafka, et moi qui ne discerne que peu à peu tout ce que l’univers vu par Franquin a en commun avec celui de Kafka – un vieux billet à ce sujet, ici même à travers ces Hublots, reçoit encore de nombreux visiteurs – au point que je finisse par être tenté de réécrire les aventures de Monsieur de Mesmaeker comme s’il était un personnage de Kafka, sans même me rendre compte qu’approchent ensemble non seulement le centenaire de la mort de Kafka mais aussi celui de la naissance de Franquin : resterai-je seul à voir à la fois combien les récits de Kafka peuvent être drôles et à quel point l’univers de Franquin peut être d’une terrible opacité ?
Voilà : Kafka est mort et ça reste quand même un peu la famille. Heureusement, il va renaître : je viens d’acheter à l’instant Kafka, les années de jeunesse, le troisième tome de la biographie de Reiner Stach. Je crois que l’auteur raconte que la raison de ce retour en arrière est dû au fait que certains documents ne lui étaient pas encore disponibles à l’époque où il s’est attaqué à cet énorme projet. Ne le croyez pas : il ne l’a fait que pour moi, pour que Kafka renaisse encore.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire