À chaque fois que, chez Brunnen, Messerschmied avait pris l’ascenseur pour se rendre dans le bureau de Monsieur Witz, il ne s’était rien passé. C’était pourtant vrai : à chaque fois, l’ascenseur avait fonctionné normalement. C’est sans doute pourquoi, dans ce que Messerschmied considérait à présent comme son inconscience – il préféra d’abord se dire « inconscience » pour n’avoir pas à exprimer explicitement son sentiment, car au bout d’un moment, il finit par admettre que de sa part, c’était moins de l’inconscience que de l’inconséquence, ou pire, une sorte de folie, une forme de pulsion de mort – c’est sans doute pourquoi, sans même se poser de questions (mais comment, comment avait-il pu agir de la sorte, sans même se poser de questions, sans prendre la moindre précaution élémentaire) ; c’est sans doute pourquoi il avait continué à prendre l’ascenseur, comme si lui, Messerschmied, chez Brunnen, il pouvait prétendre prendre l’ascenseur en toute impunité. Ce fut donc ce jour-là que Messerschmied dut payer pour toute cette inconscience, cette inconséquence, cette folie : il resta durant une heure et dix minutes coincé dans l’ascenseur, une heure et dix minutes dont il consacra les dernières à détruire, une bonne fois pour toute, les raisons de sa présence chez Brunnen.
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