dimanche 19 mars 2023

Monsieur de Mesmaeker dans le Château de Kafka ou : la mouche et la fenêtre, un hommage à Fran(z)(quin)

Oui, j’ai relu récemment tout Gaston Lagaffe. J’avais souligné naguère les affinités, profondes à mes yeux, que l’œuvre de Franquin entretient avec celle de Kafka, auquel elle emprunte même certains de ses gags ; rappelez-vous.

Monsieur de Mesmaeker est l’un des personnages récurrents les plus anciens de l’univers de Gaston Lagaffe. Il apparaît dès le premier album (encore anonymement) et j’ai renoncé à compter ses héroïques tentatives pour signer d’improbables contrats avec les éditions Dupuis (voir ci-dessous ses première et dernière apparitions), d’abord avec Fantasio, puis avec Prunelle – des sous-fifres, donc. Jamais avec Dupuis lui-même, car Dupuis, dans Gaston Lagaffe, c’est Klamm dans le Château de Kafka : il n’apparaît jamais. Jamais non plus Monsieur de Mesmaeker ne renonce, tel la mouche aux prises avec la fenêtre fermée.

Face à la fenêtre, la mouche en effet reçoit de ses sens deux informations strictement contradictoires. La mouche ne voit pas la vitre ; donc à ses yeux la vitre n’existe pas : elle fonce. Mais elle se cogne, et se pose sur la vitre. À ses pattes en effet, la vitre existe ; pour preuve : on peut marcher dessus. La vitre existe et n’existe pas en même temps. Alors la mouche rebondit entre ses deux informations contradictoires : elle fonce, se cogne, marche, s’envole, fonce de nouveau, se cogne de nouveau (j’avais déjà essayé d’exprimer ça ici même).

C’est le même combat pour Monsieur de Mesmaeker. Et quid desdits contrats ? Jamais on nen connaîtra le contenu, puisque de contenu il n’y a pas. Il n’y a pas plus de contenu dans les contrats qu’il n’y a de crime commis par Joseph K dans le Procès. Mais l’absence de crime commis par Joseph K n’empêche pas Joseph K d’être coupable et de devoir payer non pas pour son crime inexistant, mais pour sa culpabilité.

Dans un univers parallèle, Franz Kafka n’est pas mort si jeune, il a continué à écrire et au nombre de ses écrits figure une nouvelle, le Contrat, qui raconte l’histoire d’un homme trop plein du sentiment de sa propre importance et qui tente, encore et toujours, de signer un contrat dont on ne connaît pas le contenu, avec un homme qu’il ne rencontre jamais.




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