Pourquoi nous avons préféré prendre cette route – ce chemin de terre, plutôt – je ne m’en souviens plus ; mais je crois que cela avait rapport avec l’agrément. C’était joli, par-là, et il faisait beau.
Quand on conduit, on doit regarder devant soi, c’est pour ça que quand j’ai vu ce mammouth à gauche, du coin de l’œil, je n’étais pas absolument sûr. Je n’étais pas absolument sûr mais presque, et évidemment assez excité à cette idée. Heureusement le chemin tournait à gauche, et c’est par là que j’avais vu le mammouth, gigantesque, avec ses grandes et belles défenses.
Mais je ne l’ai pas vu tout de suite, alors que des yeux je ne cherchais que lui, jusqu’à ce que je le voie enfin.
On ne voit pas vraiment ce qu’on voit. Je ne sais si vous voyez ce que je veux dire.
Ce que j’ai vu n’était plus, à proprement parler, un mammouth. Je ne dis pas que ça n’avait jamais été un mammouth : juste que ça n’en était plus un. C’est juste le pied, me suis-je dit, d’un mammouth (alors que tout à l’heure dans l’autre sens j’avais bien aperçu ses deux défenses). Ce n’était plus que le pied, mais alors un pied énorme, un énorme pied. Il avait la taille, et même la forme, du tronc d’un très gros arbre. C’était un très gros arbre, un très gros pin, ou plutôt, maintenant que j’y repense, un très gros sequoia, un énorme tronc de sequoia roux, debout, bien planté, bien enraciné dans la terre ; mais quand j’ai levé les yeux pour voir les frondaisons de l’arbre, celles-ci manquaient, arrachées. Il ne ne restait que l’énorme tronc roux, au milieu de la route.
On ne pouvait pas passer. C’était énorme. C’était énorme et roux, au milieu de la route, vertical mais pas tout à fait, un peu penché quand même ; ça pourrait tomber, un jour, pas aujourd’hui mais un jour. C’était énorme et roux, au milieu de la route, vertical mais pas tout à fait, un peu penché quand même ; ça pourrait tomber, un jour, pas aujourd’hui mais un jour, puisque très certainement c’était tombé déjà, de là-haut, à droite de la route, du haut de ces magnifiques rochers roux.
C’est un site d’escalade réputé. Heureusement que personne n’était là au moment où ce monolithe est tombé. Car comment appeler autrement cet énorme rocher roux, tombé verticalement en plein milieu de la route au point de s’y tenir planté, un peu penché quand même, un peu oblique ?
C’est fascinant, tout de même, cet énorme monolithe vertical, presque vertical, dont la rousseur tranche sur le bleu du ciel.
On comprend que le site ait du succès. Mais comment passer ? Victor pourra peut-être nous aider. Tout le monde aime bien Victor, même si les bonbons qu’il a laissés traîner ont tendance à rester sur l’estomac, nous dit une de ses collègues. Ils doivent être guides d’escalade, ou quelque chose comme ça. Victor n’est pas là mais on continue à le charrier gentiment sur ses bonbons indigestes.
On est presque arrivés, de toute façon ; c’est à pied sans doute qu’on a gagné les lieux ; c’était si court que je ne m’en souviens plus. C’est un endroit agréable : les quelques personnes rassemblées là sont chaleureuses, et ces petites constructions basses entourant une grande place ronde ne manquent pas de charme.
Je constate qu’ils ont ouvert la route, de l’autre côté. On me le confirme, c’est bien sûr pour que les voitures puissent repartir par-là, puisque l’autre route est bloquée par le monolithe. D’ailleurs c’est par là que nous allons repartir nous aussi. C’est ce que nous nous disons avant que je me fasse la remarque que non : ça n’est ni possible ni nécessaire, puisque notre voiture est arrêtée avant le monolithe. Il nous suffira de faire demi-tour.
Et pourtant si près.
RépondreSupprimerTout est près tout est loin.
SupprimerSi loin, si près.
SupprimerUn cyprès si loin ? Non : un séquoia.
SupprimerRedwood éternel, indeed.
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