J’ai fait la connaissance d’une certaine Joanna Vadelle, avec qui
semblait-il je n’avais pas de lien de parenté. Et c’est pendant
que nous discutions qu’Anouchka est morte. La mort avait beau être
ma meilleure amie, je n’ai rien pu y faire. J’ai essayé de la
distraire en la soignant avec mon appareil à régler les problèmes,
car il n’y a pas de raisons pour que la mort n’ait pas de
problèmes ; j’espérais qu’elle viendrait me remercier et
oublierait Anouchka. Mais ça n’a pas marché, alors j’ai essayé
de me prendre en photo avec la mort et là j’ai vu qu’elle était
d’accord ; mais c’est parce que c’était trop tard :
Anouchka Vadelle, dont je me rends compte à présent que je n’ai
jamais retenu le nom de jeune fille, était morte, et moi j’étais
veuf en personne.
Anouchka Vadelle : page 57 - page 128
C’était peu dire cette fois que la mort se rapprochait : nous
avons marché l’un derrière l’autre dans le beau jardin des
Vadelle anciennement Smith et nous sommes montés au grenier
au-dessus du garage. Il y a là-haut un petit balcon avec une vue
magnifique car la grande demeure des Vadelle anciennement Smith est
sur une hauteur qui domine tout Bellerive. Nous sommes allés sur le
balcon et là j’ai pris la mort par l’épaule et de l’autre
main j’ai sorti mon smartphone, et c’est comme ça j’ai fait
mon selfie avec la mort. Ensuite nous avons discuté un peu.
J’espérais lui demander d’emménager, car elle avait sans doute
beaucoup de choses à m’apprendre ; mais je n’ai pas trouvé
les mots : à la place je lui ai juste demandé ce qu’on
racontait sur moi. La mort m’a répondu que ça ne lui faisait pas
plaisir de me dire ça mais que j’avais une réputation d’ordure.
Mais elle m’aimait bien quand même. C’est vrai aussi qu’elle
n’avait pas le choix : c’est moi qui depuis longtemps décide
grâce à mon smartphone des sentiments d’autrui à mon égard, et
il n’y a pas de raison que la mort échappe à cette règle.
J’avais encore bien d’autres questions à lui poser mais elle a
soudain disparu dans le noir, car dans l’intervalle la nuit était
tombée. Nous aurions bien sûr l’occasion de nous revoir, mais à
ce moment-là je craignais bien de ne plus avoir la parole.
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