mardi 14 janvier 2014

Mon jeune grand-père (22)

Le 7 mars 1917 -  Mes chers parents.
   Je n’ai pas reçu grand courrier ces jours-ci : je n’ai reçu que les cartes de papa des 21 et 21 févr. Les paquets eux-mêmes n’arrivaient pas et j’en avais beaucoup en retard ; mais ce matin j’en reçu 9 ensemble ce qui fait que je suis à peu près à jour. Les colis reçus portaient les n°s 18-19-20-23-24-30-4-5-6-7-9-10-12. Il n’en manque donc plus que 2 ou 3. Que maman entortille d’un papier plus fort les paquets de farine, parce que voilà 2 fois qu’ils étaient abîmés et le contenu répandu dans tout le paquet. Tout le reste est arrivé en bon état. Le temps est redevenu très froid ; il gèle gèle assez fort et en ce moment même il tombe de la neige. Mon cadre avance tout doucement (j’avoue qu’à présent je n’attends de nouvelles que de ce travail, comme si c’était quelque chose d’essentiel – alors qu’en fait c’est quelque chose de matériel, la seule chose matérielle qui me vienne à l’esprit ; en dehors de ces cartes elles-mêmes), il sera fini dans 2 ou 3 jours. Pour Pâques nous faisons une exposition de tous les travaux de prisonnier. On fait éditer un catalogue avec la liste de tous les officiers du camp et avec la désignation des objets exposés. Ce sera un souvenir. Bien que débutant les camarades me forcent à exposer aussi. J’ai une paire de chaussures ressemellées (laissons ces deux l à ses chaussures ainsi ailées). Je continue toujours malgré le Kerbschnitt à travailler. Mon professeur a interrompu ses leçons d’anglais pendant quelque temps ; mais il va reprendre bientôt et on va travailler sérieusement. C’est très facile à apprendre, mais ce qui est ennuyeux c’est la prononciation. S’il avait vécu cinquante-cinq ans de plus je lui aurais dit comment seuls les cours de phonétique articulatoire m’ont permis d’acquérir un accent passable. Cinquante-cinq ans de plus c’était possible. Papa m’avait annoncé une fois la photo de Louis en casque (je ne suis pas sûr de bien lire, le « casque » est écrasé contre le bord de la carte) mais je ne l’ai jamais reçu.
  Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis, Madeleine et Jean et toute la famille.
Mes amitiés à tous les amis. Bonjour à Jacqueline et Michel. Votre fils qui vous aime de tt son cœur. Edmond

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