mardi 8 septembre 2009

belle effraction

  XXXVI
 
 
Au cocktail rouge (un Campari ?) que bran­dit une main anonyme au premier plan, sur l’annulaire de laquelle luit une chevalière, aux ombres basses, vous devinez qu’on est en fin d’après-midi. Juchée sur la chaise de l’arbitre, Aurore domine le court de tennis.
La caméra descend lentement sur ses jambes, qu’elle croise dans un mouvement qui remonte sa mini-jupe blanche plissée. A ses bras et ses cuisses nus bronzés, vous constatez qu’Aurore a grossi. Les derniers rayons du soleil derrière la caméra projettent l’ombre du filmeur sur le corps découvert d’Aurore.
Lorsque son ombre recouvre entièrement son corps, la jeune fille détourne le visage du geste qui vous est devenu familier.
 
XXXVII
 
 
Rêve d’Innsbruck.
Dans une zone aux abords de la frontière autri­chienne, il est impossible de savoir où on est. Les forêts de séquoias sont un nid d’espions. Les agents abandonnent les documents secrets dérobés à l’ad­ministration sur le siège du téléphérique. Un jeune apprenti qui fait la vaisselle dans les cuisines d’un restaurant sert de passeur, une fois son service de nuit achevé.
 
Depuis sa rencontre avec Sabrina, A. redoute parfois de devenir invisible. Aussi transparente que ses incursions mentales demeurent inaudibles, elle surprendra les rendez-vous d’amour et de trahison durant lesquels les amants et les espions, dans les arrière-salles d’hôtels des villages frontaliers, échangent ser­ments, promesses, illusions et secrets. Ce jour­-là, de la surface de la terre et de la vie des hommes, A. aura disparu.
 
Hélène Frappat, Par effraction, Allia, 2009, p. 82-83.
 
Les livres d’Hélène Frappat sont des puzzles dont on n’est pas sûr d’avoir toutes les pièces, et de ce doute naît une histoire. Dans Par effraction, se croisent et se tressent trois fils de nature différente. Une bobine de cinéma amateur et muet, acquise par vous aux Puces de Clignancourt, vous donne à voir la vie d’« Aurore », en témoin forcément extérieur de cette vie fragmentée, bourgeoise et opaque, filmée (trop ?) par un œil invisible. En contrepoint le récit la vie d’A., affligée d’un don funeste qui la condamne à la solitude : elle entre par effraction et sans le vouloir dans la pensée d’autrui. Le troisième fil est celui d’un je en italiques qui note ses rêves. On comprendra le prix du silence, où la vie enfin commence, tard.
 
Je suis bien de l’avis d’Alain Nicolas, et ça m’amuse assez aussi de pouvoir écouter et regarder Hélène Frappat interviewée par un Sylvain Bourmeau invisible.
PS : Et tiens, coïncidence (authentique), je vois à l'instant que Bénédicte Heim aime aussi



Commentaires

Que pensez-vous de l'involontaire (?) jeu de mots figurant sur la couverture - Dieu merci, il y a un t final à Frappat... ?
Commentaire n°1 posté par Chr.Borhen le 09/09/2009 à 10h26
Oui, on peut même voir aussi le nom de l'auteur disséminé dans le titre, bien reconnaissable cependant.
Commentaire n°2 posté par PhA le 09/09/2009 à 13h39
Un personnage son nom... si je comprends bien une cousine du frère de Pierre?
Commentaire n°3 posté par Cécile le 09/09/2009 à 14h16
Lapsus ou clavier insoumis, je voulais écrire sans nom, bien sûr.
Commentaire n°4 posté par Cécile le 09/09/2009 à 14h18
En tout cas un livre pour toi, à coup sûr ! (Je ne prends pas de risques en l'affirmant.)
Commentaire n°5 posté par PhA le 09/09/2009 à 14h41
Il y a un côté très "clé de verre" dans les livres d'Hélène Frappat - fascinant.
Commentaire n°6 posté par tor-ups le 09/09/2009 à 14h54
Quelque chose autour de crimes ou délits inévitables, presque naturels.
Commentaire n°7 posté par PhA le 09/09/2009 à 17h03
Encore un livre qu'il va falloir acheter. Je ne vous félicite pas. (Mais certainement je vous remercierai une fois le livre lu)
Commentaire n°8 posté par cecile portier le 09/09/2009 à 17h38
En fait c'est à une autre Cécile, Cécile, qu'il faut vous en prendre (celle ci-dessus) ; c'est par sa faute que j'ai découvert les livres d'Hélène Frappat. (Voyez comme j'esquive habilement les coups !)
Commentaire n°9 posté par PhA le 09/09/2009 à 17h54
A 14h54, le staff Tor-Ups était censé se trouver en pleine partie de jokari. C'est à se demander... (Et c'est la deuxième fois, mais la bonne celle-ci, que je réclame à mon libraire le livre que je lui ai commandé : Hoffmann à Tôkyô de Philippe Annocque. Reprendre mon autoanalyse à zéro?)
Commentaire n°10 posté par Depluloin le 09/09/2009 à 18h58
C'est vrai, je le confesse : je suis en effet l'auteur des livres de Didier da (et j'en suis fier !). Sachez d'ailleurs qu'auparavant, j'ai aussi commis les pièces de Shakespeare, et même l'Iliade et l'Odyssée, ainsi que tout, absolument tout ce qu'on peut lire un peu partout dans les librairies. Mais en ces temps de rentrée littéraire, je préfère ne pas m'en vanter : ma production est un peu inégale.
Commentaire n°11 posté par PhA le 09/09/2009 à 20h37
Le Bescherelle, c'est vous aussi? Car c'est le best seller de cette semaine, bravo!
Commentaire n°12 posté par cecile portier le 09/09/2009 à 21h08
Pourquoi pas, en effet ; après tout c'est une publication dans mes cordes. (D'ailleurs savez-vous que l'actuel responsable du Bescherelle possède aussi une bien belle plume ?)
Commentaire n°13 posté par PhA le 09/09/2009 à 21h36
Pas seulement en librairie, cher Ph.! Depuis quelque temps, chaque matin, je m'étonne de trouver sur mon bureau une dizaines de pages que je ne me souviens pas avoir écrites la veille - sinon dans les grandes lignes. Merci, continuez ainsi. J'aime beaucoup ce que j'écris. (J'ai aussi une amie, plus toute jeune, mère de famille, une femme bien méritante je vous assure, qui aurait bien besoin de vos service. Mais moi d'abord bien sûr.)
Commentaire n°14 posté par Depluloin le 10/09/2009 à 00h14
Cher Ph., cela m'étonne de vous, mais enfin il était tard. Donc "service" au pluriel. Vous êtes tout pardonné.
Commentaire n°15 posté par Depluloin le 10/09/2009 à 10h06
Je viens de l'acheter. Bien sûr, c'est de votre faute. Ma libraire adore votre bouquin au fait, je l'achèterai le mois prochain.
Commentaire n°16 posté par Anna de Sandre le 12/09/2009 à 19h35
Anna de Sandre, doit-on comprendre que vous achetez Hélène Frappat les yeux fermés mais que vous reportez votre achat de Liquide au mois prochain? Attention, Anna... attention.. je peux vous démasquer à tout moment!!
Commentaire n°17 posté par Depluloin le 12/09/2009 à 22h28
C'est à dire que que Liquide n'était plus en stock cher Depluloin.
J'ai cherché à Depluloin également mais n'ai rien trouvé, comment cela est-il possible ?
Commentaire n°18 posté par Anna de Sandre le 13/09/2009 à 06h56
Je suis bien content, Anna. (En fait nous avons une panne de Liquide...)
Commentaire n°19 posté par PhA le 13/09/2009 à 21h29

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire