mercredi 20 novembre 2024

Aux Essarts-le-Roi, avec mon stylo, et avec Pascale Petit

Dimanche, je serai au salon du livre des Essarts-le-Roi, où j’enseigne depuis – disons, pour faire court, que j’y enseigne aux enfants de mes anciens élèves. Certains connaissent bien le douk-douk, ou bien Monsieur Jones, ou bien encore Tom Premier et d’autres pièces de théâtre de mon amie Pascale Petit publiées à l’école des Loisirs, mais ne connaissent peut-être pas son œuvre poétique tout simplement merveilleuse (c’est notamment parce que, sans la connaître, je l’ai écrit quelque part, il y a maintenant pas mal d’années, que nous sommes devenus amis – et non l’inverse).

J’y viendrai pour ma part avec mon stylo et Avec mon stylo (les photos ne sont pas contractuelles, nous avons tout deux écrit et publié beaucoup plus). Je tiens beaucoup à ce dernier, encore tout récent (je parle de Sans son stylo – oui : il a deux titres) : c’est peut-être le seul, de toute l’histoire de la littérature, qui ait donc deux titres, deux couvertures, pas de nom d’auteur, et dont la fin est au milieu. Et puis, il fait rire et peur. Il y aura aussi de nombreux autres auteurs enchantés de vous voir, puisque vous viendrez. C’est toute la journée, avec une pause le midi, rue du 11 novembre, aux Essarts-le-Roi ; on ne peut pas se tromper.





mardi 19 novembre 2024

lundi 18 novembre 2024

Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 45

Sans même qu’il en fasse la demande, on avait assuré Messerschmied qu’il aurait un nouvel interlocuteur chez Brunnen. C’était donc que là-bas aussi, on tenait à ce que le contrat fût signé. Ainsi, non sans une compréhensible circonspection, Messerschmied se rendit une nouvelle fois chez Brunnen, où il fut accueilli par un certain Monsieur Schlehe, un petit homme brun à lunettes qui portait sa barbe en collier, mais dont l’affabilité n’avait rien à envier à celle de Monsieur Witz – avant sa récente crise d’hystérie. Messerschmied toutefois se sentit suffisamment en confiance pour lui avouer qu’il s’était demandé comment on le considérait vraiment, chez Brunnen. Le considérait-on seulement ? Monsieur Schlehe était sur le point de le rassurer à ce sujet quand un choc violent à l’étage au-dessus fit sursauter Messerschmied – ses nerfs étaient mis à rude épreuve. Monsieur Schlehe décrocha aussitôt le téléphone pour savoir de quoi il retournait et obtenir le silence, mais à peine eut-il raccroché que ce fut une véritable détonation qui retentit cette fois. Entre terreur et colère, Messerschmied exigea des explications. Monsieur Schlehe décrocha encore une fois le téléphone, y exprima son mécontentement par des mots bien sentis, raccrocha de nouveau. Quelques instants plus tard, c’est l’immeuble entier qui se mit à trembler, comme Messerschmied lui-même, de panique ou de rage : ce ne serait pas encore cette fois que le contrat serait signé.

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dimanche 17 novembre 2024

Abécédaire du dimanche (bibliophilique)

« Après Baudelaire, ce devrait être Flaubert ! », gronda hargneusement, irrité, Joris Karl, libraire, monégasque nouvellement, ombrageusement passionné, qui rangeait ses titres : un vrac wisigothique, xyloglotte, yéyé, zazou.



(Abécédaires subaquatiquecomportementalinjonctifpolythéisteévénementielchômeurphotographiqueforestierarmécommissionnairemixologiquealphabébêtiqueabécédarophileconversationnelprésidentielonomatopéiquefaunophoniqueproverbialbibliomaniaqueaquoibonistemeurtriertouristiqueculinaireguerrierfloralzoologique)

samedi 16 novembre 2024

Souvenirs de mon père, 14

Tu as surtout parlé du côté Ropiquet. Et du côté Annocque ?

Tata (la sœur aînée de « Mon jeune grand-père »), à cette époque, était célibataire. Elle avait, semble-t-il, connu un chagrin d’amour quand elle était toute jeune, ensuite elle était devenue « trop difficile ». (D’ailleurs, quand elle s’est mariée, à la surprise de tout le monde, à soixante-huit ans, c’est un amour de jeunesse qu’elle a épousé.) Mamie et ton père, son frère (mon grand-père, mort en 1928), avaient essayé de lui présenter des candidats au mariage, en vain.

Leur mariage à eux était un mariage arrangé. Les Ropiquet trouvaient qu’il était temps de marier Anne-Marie. Les deux familles habitaient Amiens. (La maison d’Arras appartenait à la tante de Grand-mère Annocque – depuis ans seulement, environ, ai-je appris en écrivant Mon jeune grand-père.) C’était en 1921. Les Annocque, le Commandant et sa femme, voulaient marier Edmond avant son départ en Algérie. Les deux familles étaient très pieuses (surtout les femmes : Tit Père était athée). Les curés des deux paroisses d’Amiens se sont rencontrés et ont organisé la rencontre entre les familles. Les jeunes se sont plus ou moins plu. L’amour s’est déclaré en Algérie, où Mamie est venue rejoindre Edmond, et où Milou a été conçue. Tit Père est venu à Constantine chercher sa fille pour qu’elle ne fasse pas le voyage du retour seule et enceinte.

En même temps, Tonton Louis avait rencontré Simone Oudart, une jeune paysanne. Ils se sont mariés et ils sont allés vivre dans la ferme de la famille Oudart, à Rivery. Le frère de Simone passait pour un simplet.

Un jour, Mamie est invitée chez Grand-mère Annocque. Dans la salle à manger impeccable arrive un charretier plein de boue qui la salue et traverse. Mamie était très choquée, elle a souvent raconté cette première rencontre. Grand-mère Annocque, gênée, a fait les présentations : « Je vous présente Louis, mon autre fils. Il n’est pas officier,… il est cultivateur. »

J’ai retrouvé récemment la trace de Louis Annocque, le frère aîné de « Mon jeune grand-père », qui faisait honte à cette famille bourgeoise, sur le site du Musée de la Résistance. Je crois bien que Simone et son frère, qui passait pour un simplet – mon père a eu le temps de reconnaître que cette réputation était imméritée –, en étaient aussi. Et je me rappelle avoir couru après leurs poules, à Rivery, vers 1969 ou 70.

jeudi 14 novembre 2024

Le registre de Fitzgerald selon Didier da Silva

Le registre de Fitzgerald, qui « repose dans les collections de l’université de Columbia » (nous apprend l’explicit du Registre de Fitzgerald de Didier da Silva tout récemment paru chez Vanloo) est un registre tenu par Fitzgerald, oui, Francis Scott, durant la plus grande partie de sa vie, dans lequel il consacre une page de cahier d’écolier à chaque année de sa vie : la vie est courte. Le Registre de Fitzgerald de Didier da Silva est, on peut le dire, une biographie de l’auteur bien connu, dans laquelle son registre et Fitzgerald lui-même deviennent un sujet, une matière, une manière d’instrument de musique dont l’autre auteur, moins connu mais qui mériterait de l’être davantage, cliquez donc, joue, nous fait résonner l’âme, dans toute l’étendue de son registre. La vie est courte ; la trajectoire est lumineuse, météorique : c’est proprement une tragédie.

J’en ai rouvert mon vieux Gatsby ; je l’avais lu moi aussi « in my younger and more vulnerable years » ; comme en dit cette fois Scott dans l’incipit. La vie est courte. Both books are great.



mercredi 13 novembre 2024

Quand j’éternue

Quand j’éternue, je ne dis pas « atchoum » – personne ne dit « atchoum » –, je dis « Ash ! ». Ou plutôt : j’appelle Ash, ou H, ou Hache, car si ne sais pas vraiment comment l’écrire, je sens bien que c’est un appel. Le point d’exclamation, il y est.

Je ne sais pas qui est Ash. Je sais juste que je l’appelle, que je l’appelle encore, encore et encore, du plus profond de moi, et je sais, juste aussi, qu’il ne viendra pas.

mardi 12 novembre 2024

lundi 11 novembre 2024

Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 44

Quand Messerschmied se résolut à retourner chez Brunnen, son humeur était exécrable. Sans doute essayait-il de se persuader que les établissements Brunnen en étaient la cause, mais au fond de lui il devait bien se douter que c’était contre lui-même qu’il était en colère, contre sa propre incapacité à renoncer à la signature du contrat. Lorsqu’il entra dans les locaux de Brunnen, il trouva tout le personnel en proie à une sorte d’hystérie générale : on ne faisait aucun cas de sa présence. Des femmes étaient perchées sur le mobilier tandis que d’autres employés couraient dans les couloirs en poussant des cris, manifestement à la poursuite ou à la recherche de quelque chose sans qu’on pût deviner quoi. Messerschmied s’enquit toutefois du lieu où il pourrait trouver Monsieur Witz et tout de même une employée, malgré la panique, prit le temps de lui indiquer une direction. En effet, Messerschmied finit par reconnaître, couchée par terre et affairée à examiner le dessous du mobilier, une silhouette frêle, en bras de chemise, qui lui sembla bien être celle de Monsieur Witz. C’était Monsieur Witz en effet, mais Messerschmied le reconnut-il vraiment lorsque cet homme habituellement si courtois, si obséquieux même, bondit vers lui en lui hurlant des insanités, où cependant Messerschmied crut comprendre que sa présence, sa présence à lui, Messerschmied, ne pesait pour rien – sauf à titre de nuisance – dans le cataclysme en cours ?

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dimanche 10 novembre 2024

Abécédaire du dimanche (subaquatique)

Abyssal benthos : calmars démesurés, éponges fluorescentes, gorgones, holothuries inactives, jolis kamptozoaires, lasiognathes meublant nos océaniques profondeurs ; que rêver sinon tout un vivier waterful : xiphophores Yucatan, zées…


samedi 9 novembre 2024

Souvenirs de mon père, 13

Quand Tit Père est mort, le 16 février 1937, Tonton Léon a hérité du reste de l’argent. Milou et toi, vous êtes retournés habiter à Amiens avec Mamie et Tit Mé. Tonton Léon donnait de l’argent. Vous étiez ruinés, mais il y avait encore trois bonnes, puis deux, puis une. La « dernière année », l’hiver 1938-39, il n’y avait plus de bonne. Milou et toi, vous vous occupiez de tout. Milou s’occupait de Tit Mé. Milou sortait dans la rue appeler les passants à l’aide pour vous aider à ramasser Tit Mé quand elle tombait du lit.

Le 1er septembre 1939, le jour où la guerre a été déclarée, Tonton Léon a mis Tit Mé aux Incurables. Il a dit : « Il n’y a plus d’argent de Père. Débrouillez-vous. » Mamie a vendu des bijoux, quelques meubles. Vous avez déménagé rue Laurendeau, derrière le cirque. C’est là que, pendant la guerre, vous avez été sinistrés. Tout l’arrière de la maison a été démoli lors d’un bombardement, alors que vous étiez à la cave. Vous n’aviez plus rien à manger.

jeudi 7 novembre 2024

mercredi 6 novembre 2024

I will visit my neighbour, with my pen,

Avec mon stylo est paru en janvier 2024 aux éditions DO. Qu’est-ce que ça pourrait donner en anglais ? Un petit extrait, pour voir.



Le même passage en français :



Le livre chez DO


Avec mon stylo ("With my pen") was published in January 2024 by éditions DO editions (in french).

What would that sound like in English? Let's hear a short excerpt.

The same in french

The book.

mardi 5 novembre 2024

court toujours (291)

Console-toi : quand tu n’as plus de mains à serrer, tu peux encore serrer des poignées de porte.




lundi 4 novembre 2024

Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 43

Pris de remords, ou poussé par quelque force obscure, Messerschmied fit une nouvelle tentative. Il arriva dans le hall de la société Brunnen au moment où l’ascenseur se refermait ; heureusement quelqu’un le retint à sa demande. Toujours impulsif, Messerschmied se rua à l’intérieur et mit le pied dans une boîte de conserve. Une boîte de conserve ! Que faisait une boîte de conserve, ouverte et pleine qui plus est – une boîte de poissons à la tomate –, que pouvait faire une boîte de conserve dans l’ascenseur d’une société prétendument sérieuse ? C’était plus que Messerschmied ne pouvait en supporter.

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samedi 2 novembre 2024

Souvenirs de mon père, 12

De nouveau, le passage qui suit est de sa seule main.

Durant mes dernières vacances à Gretz, en 1938, ma spécialité, c’était déjà le saut. Je sautais souvent par-dessus un grand massif de fleurs diverses qui existait à cette époque au milieu du jardin, à la grande frayeur de ma tante et de ma grand-mère, qui craignaient davantage pour leurs fleurs que pour moi. C’est depuis cette époque-là que les sauts d’obstacle spectaculaires sont devenus ma passion.

Quand nous étions à Amiens, en vacances d’abord, puis quand nous y sommes restés définitivement, avant la guerre, Tonton Léon nous emmenait promener en voiture dans toute la région ; c’est pour cela que je connais bien la Picardie. Il nous emmenait aussi au bord de la mer, à Cayeux ou au Crotois, ou à Saint-Valéry-sur-Somme. Nous nous promenions seulement ou nous trempions nos pieds dans l’eau, car nous n’avions pas de maillot. Peu de gens se baignaient, d’ailleurs. C’est pour cela que je n’ai appris à nager que beaucoup plus tard, au centre de jeunesse.

En 1937, à Paris, à la Villa Robert Lindet, à l’époque où je flirtais avec Jacqueline Dubernais, un jour que je la croisais dans l’escalier, Pauline, la sœur aînée de Guy Bourk et d’Olga, m’a pris dans ses bras ; elle m’a appelé « son petit fiancé » et m’a embrassé sur la bouche. J’en ai été plus inquiété que satisfait et ma mine effarée l’a fait fuir. Elle n’a pas recommencé. Ce fut mon premier baiser sur la bouche. Je devais attendre pas mal d’années avant d’en avoir d’autres. Elle avait quinze ans et j’en avais douze. Quand je l’ai revue, peu après, elle a fait comme si rien ne s’était passé. Plus tard, quand je l’ai revue à mon retour d’Orthez, ni elle ni son frère aîné James ne se sont intéressés à moi.

vendredi 1 novembre 2024

court toujours (290)

Tout est possible. Par exemple, l’autre jour, dans le train, à côté de moi, il y avait une dame qui lisait un livre de Luc Ferry.




jeudi 31 octobre 2024

Il a toujours été trop tard.

Le gardien de la porte, sentant venir la fin de l’homme, lui rugit à l’oreille pour mieux atteindre son tympan presque inerte : « Ici nul autre que toi ne pouvait pénétrer, car cette entrée n’était faite que pour toi. Maintenant, je m’en vais et je ferme la porte. »


Franz Kafka, Devant la loi, traduction par Alexandre Vialatte.



mercredi 30 octobre 2024

court toujours (288)

Je suis un lecteur plutôt maladroit. Il faut dire aussi que je lis de la main droite alors que je suis gaucher.