dimanche 31 janvier 2021

Les Singes rouges, par Nikola Delescluse

Nikola Delescluse me lit depuis 2009, depuis Liquide. Il connaît bien ma façon de redire complètement différemment complètement la même chose. Il a lu Les Singes rouges. Sa lecture, sa chronique (sur Radio Campus Lille et Paludes), sont belles tout simplement, à l’oreille de l’auteur. Ecoutez.



samedi 30 janvier 2021

Brèves animales (26)

Le chien de faïence est réputé davantage pour son calme que pour l’intelligence de son regard.




mercredi 27 janvier 2021

Brèves animales (25)

Le pigeon, le faucon, le héron, le pinson, le frelon, l’argon, le néon : autant de volatiles.




lundi 25 janvier 2021

Brèves animales (24)

Les gazelles qu’on capture sont toutes des femelles : on laisse toujours échapper le gaz.




mercredi 20 janvier 2021

Viens donc derrière la gare.

Je viens de terminer la lecture de Derrière la gare, d’Arno Camenisch, que Quidam a publié juste avant le premier confinement, en même temps qu’Ustrinkata du même Arno Camenisch dont je vous avais recopié quelques lignes ici. (Le confinement en effet en veut à Arno Camenisch dont Quidam a encore plus récemment aussi publié Sez ner, que je n’ai pas encore lu – pendant le deuxième confinement.)

Derrière la gare, donc. Je n’aime pas beaucoup faire des comparaisons entre les livres, mais comme évidemment je m’apprête à en faire, je vais faire preuve d’un peu de malhonnêteté intellectuelle et décider que ce sont plutôt des plaisirs de lecture que je m’apprête à comparer. Car le plaisir que j’ai pris à la lecture de Derrière la gare m’a rappelé le plaisir non moindre que j’avais éprouvé à celle de Mailloux, d’Hervé Bouchard, rappelez-vous. Et aussi un autre plaisir, plus ancien, ressenti à la lecture de Couma aco, d’Edmond Baudouin, attendez, peut-être que j’en parle aussi dans ces Hublots, je ne sais plus, je cherche, ah non, je ne fais que le citer ici, allez je mets le lien quand même.

Car ces trois livres ont en commun d’évoquer un lieu qui n’existe tel qu’il est décrit que dans la mémoire de l’auteur (l’arrière-pays niçois dans Couma aco, l’arrondissement de Chicoutimi au Québec dans Mailloux, et le pays romanche en Suisse dans Derrière la gare), et à travers le regard d’un enfant, que l’auteur, on pourrait dire le porte-parole, retranscrit par un travail sur la langue, essentiel et succulent et, dans le cas de Derrière la gare, merveilleusement, miraculeusement traduit du suisse allemand par Camille Luscher, tiens, un extrait :


« Le Gion Bi fait sûrement des poesias pour une femme, dit Silvana, ma maman a dit que les hommes font des poesias pour les femmes, pour leur dire qu’ils aiment bien se promenader avec elles et jouer à la boccia. Les femmes doivent mettre les poesias dans un coffret et quand le coffret est plein, ils ont le droit de se marier et de faire des enfants. Moi aussi je veux faire des poesias pour Silvana, ou bien je vais lui faire un dessin avec des lappis dessus et des tourne-les-vis. Et sur d’autres feuilles, je vais dessiner la deuschvo orange de l’Oncle, les ramures du cerf et le carpostal de l’Alfons. Je vais dessiner le Boulan avec sa pellapan, le Gionclau avec sa hache à côté du Rhin, et le Fatre et le Giacasepp qui se bastonnent. Je vais dessiner tout le village sur plein de pages et je les offrirai à Silvana, alors j’en aurai sûrement assez pour remplir son coffret et elle voudra m’épouser. Mais d’abord, je dois fabriquer un coffret pour Silvana dans l’atelier du Nono, pour qu’elle puisse y mettre les dessins. Un beau coffret en bois avec un cadenas. »


Arno Camenisch, Derrière la gare, p. 62-63.


Bien sûr je n’ai pas choisi ce passage tout à fait au hasard. Je ne peux m’empêcher de le lire comme la réalisation d’un souhait. Car ces dessins des scènes du village, avec ces gens qui nous sont devenus si familier, c’est en fait ce qu’a réalisé Arno Camenisch dans Derrière la gare et sa « Trilogie des Grisons ». Je me demande si Silvana a su que c’était d’abord pour elle. En tout cas, maintenant, c’est pour nous.




lundi 18 janvier 2021

Nouvelles très brèves (107) (vraiment très brèves et surtout très approximatives)

« On se voit demain, alors. Seize heures, ça te va ? » « C’est très bien ! » Le lendemain, à seize heures, ils sonnaient en effet à la porte l’un de l’autre, mais personne ne vint ouvrir.





mardi 12 janvier 2021

Nouvelles très brèves (105) (et surtout très banales)

 La relecture


Pandora Notilier se relisait. Ou plutôt, elle relisait ce qu’elle avait écrit la veille. Ou plutôt, elle relisait ce qu’elle croyait avoir écrit la veille. Elle reconnaissait, en effet, c’était bien ça. Mais la veille, c’était quand même bien meilleur.




dimanche 10 janvier 2021

un changement dans la tonalité de mes pensées

« J’étais assis sur un banc, au soleil. L’animal en moi léchait les babines de la mémoire ; le côté spirituel somnolait à demi, se promettant un repentir ultérieur, mais encore trop paresseux pour agir. Après tout, me dis-je alors, je suis comme mes semblables, et je me mis à sourire en me comparant aux autres hommes, en comparant ma bonne volonté agissante avec l’indolente cruauté de leur indifférence. Au moment même où cette pensée vaniteuse me traversait l’esprit, j’eus le cœur soulevé par une horrible nausée accompagnée d’un épouvantable frisson. Ces symptômes disparurent, mais je me sentais très faible. Puis, à son tour, cette faiblesse s’estompa. Peu à peu, je perçus un changement dans la tonalité de mes pensées, une plus grande hardiesse, un mépris du danger, une solution des liens de l’obligation. Je baissai les yeux. Mes vêtements pendaient informes sur mes membres rabougris ; la main posée sur mon genou était noueuse et velue. »


Lecture du moment. C’est mieux de ne pas mettre le titre ni l’auteur, je trouve ; d’ailleurs vous les aurez déjà reconnus.

mardi 5 janvier 2021

Attrape l’Arlequinus

C’est quand même une expérience étrange, la lecture d’Enjoe Toh. Oui, après Chroniques de Matsunoé, je viens de lire Arlequinus Arlequinus, publié par la même Ronde de nuit et traduit par le même Sylvain Cardonnel. On n’est pas sûr de comprendre ce qu’on lit – ce qui a valu à la moitié du jury du prix Akutagawa de démissionner tout en couronnant Enjoe Toh, nous raconte Sylvain Cardonnel dans l’avant-propos ; on n’est pas sûr de comprendre ce qu’on lit et on continue quand même et même après, il y a encore, comment dire, mais oui, comme des œufs pondus dans mon esprit qui éclosent, et dont s’échappent des idées difficiles à attraper comme des papillons, il y faudrait un filet un argent, c’est une bonne idée, c’est une idée d’Enjoe Toh, et c’est le sujet, précisément, c’est le sujet de Arlequinus Arlequinus.




lundi 4 janvier 2021

Nouvelles très brèves (104) (et surtout très banales)

 La bibliothèque


La bibliothèque de Phileas Nogueira était classée selon un principe intelligent, à la fois linguistique et chronologique. Y étaient rassemblés les livres écrits dans une même langue – car la langue détermine le livre dans ce qu’il dit même. À l’intérieur de chaque groupement linguistique, c’était l’ordre chronologique qui régnait, car on écrit après ceux qui ont écrit avant soi. Comme il ne dédaignait pas la simplicité, c’était la date de naissance de l’auteur, d’ailleurs moins arbitraire que celle de la publication de l’ouvrage, qui déterminait l’ordre du classement. Cela ne posait problème que pour les auteurs contemporains, qui pullulaient, et n’hésitaient pas à naître la même année, voire le même mois. Sans compter ceux qui mentaient sur leur âge. Phileas Nogueira décida de revenir à l’ordre alphabétique.




dimanche 3 janvier 2021

Les Singes rouges dans Libération

Pour le nouvel an, les Singes rouges sont encore une fois à la fête, dans Libération, grâce à Jean-Didier Wagneur : « … Moments d’extase matérielle ou de réalisme magique, destins croisés d’une famille sous les tropiques, poids de l’appareil d’État et des bourgeoisies locales, autant de contraintes pour une jeune fille rebelle et « garçonnière » (…), qu’on surveille de près pour éviter le qu’en-dira-t’on. Les Singes rouges est comme la poupée d’Olga, un livre de porcelaine (…), une entreprise d’élucidation personnelle dont le narrateur retient des éclats de mémoire qui scintillent dans chacun de ses textes, la poésie de certains mots (…) et une manière tout insulaire de nouer plusieurs mondes, qu’ils soient personnels, réels ou imaginaires, ce qui est à l’origine même de l’écriture. »



mercredi 30 décembre 2020

Nouvelles très brèves (103) (et surtout très banales)

 L’hésitation


Prosper Nouveau hésitait. Il n’était sûr de rien. Quelle décision prendre ? Trop de possibilités de choix s’offraient à lui : deux. Comment faire pour choisir ? Tirer au sort ? Ne pas tirer au sort ? Comment savoir, comment savoir s’il fallait tirer ou ne pas tirer au sort ? Prosper Nouveau hésitait.




mardi 29 décembre 2020

Nouvelles très brèves (102) (et surtout très banales)

 L’échographie


Au dernier moment, Patience Nourrissier, changeant d’avis sans bien savoir pourquoi, demanda le sexe de l’enfant qu’elle attendait. Le médecin lui sourit et lui dit : « C’est une fille. »

Voilà. C’était donc une fille. Il y avait une chance sur deux, ou à peu près, se disait Patience Nourrissier en rentrant chez elle. C’était une fille, certes, mais laquelle ? Elle n’était pas tellement avancée, en fait.




lundi 28 décembre 2020

Nouvelles très brèves (101) (et surtout très banales)

 L’idée


Perceval Nevermore s’étonnait de ne pas trouver la moindre idée d’histoire à raconter tant que son personnage principal n’avait pas de nom. Sans nom, il était bloqué. Alors il se força un peu et finit par en trouver un. Ça n’était pas si important après tout.




dimanche 27 décembre 2020

Nouvelles très brèves (100) (et surtout très banales)

Pas Noël


Père Noël se réveilla en panique, dans une suée ; c’était foutu, il avait raté Noël. Il regarda sa montre. On était déjà le 27 décembre en effet. D’ailleurs, ça lui revenait à l’esprit maintenant qu’il était bien réveillé, il ne s’appelait pas Père Noël mais Peter Nowell. Tout allait bien, il n’avait rien raté.




jeudi 24 décembre 2020

Sous l’emprise de Matsunoé

Je viens de terminer la lecture de Chronique de Matsunoé, de l’écrivain japonais Enjoe Toh, traduit par Sylvain Cardonnel et récemment paru aux éditions La Ronde de nuit. Ne comptez pas sur moi pour vous le raconter : ça ne se raconte pas. Mais alors vraiment pas. En revanche, si vous voulez, je peux vous raconter à quoi je pensais en lisant ce livre. Je me disais que, moi aussi, je pourrais le faire avec un écrivain avec lequel j’aurais des affinités mais dont je ne connaisse pas la langue et qui ne connaisse pas la mienne. Tiens, Pablo Katchadjian, par exemple. Je ne connais pas l’espagnol et je crois qu’il ne connaît pas le français. Mais ce sont des langues apparentées, on devine des choses, ou l’on croit deviner. Je pourrais, avec son accord, écrire une version française d’un de ses livres (un de ceux dont je n’aurais pas lu une traduction, évidemment), en faisant confiance davantage à mon imagination qu’au dictionnaire, afin d’aboutir à quelque chose de nécessairement différent que je lui renverrais, à charge pour lui de refaire le même travail vers l’espagnol et d’aboutir à autre chose que sa première version, qu’il me renverrait à nouveau, afin que et ainsi de suite.

Voilà. Je suis sûr que maintenant vous avez envie de lire Enjoe Toh. Et peut-être aussi Pablo Katchadjian. Et moi aussi, tant qu’on y est.




mercredi 23 décembre 2020

Nouvelles très brèves (99) (et surtout très banales)

 Le violon


Depuis des années, Prudence Noyer voulait apprendre le violon. Un beau matin, elle prit sa décision : « Je vais apprendre le violon. » Pour apprendre le violon, il lui fallait un violon, et un professeur de violon. Ou peut-être plutôt lui fallait-il un professeur de violon et un violon ? Pour le moment, elle n’avait ni l’autre. Par quoi, mais par quoi donc fallait-il commencer ?




mardi 22 décembre 2020

Nouvelles très brèves (98) (et surtout très banales)

 Le dernier paquet


Il ne lui restait plus que trois rédactions à corriger. C’étaient les trois dernières de son troisième et dernier paquet. Elle avait presque fini. Elle pourrait profiter tranquillement de son dimanche. Passiflore Nurepois se saisit donc de l’antépénultième rédaction et la posa devant elle. Elle la parcourut d’abord des yeux, la pointe bic rouge en l’air. Bien sûr il y avait pas mal de fautes, mais elle avait vu bien pire. Le sujet était traité plutôt maladroitement, mais enfin il était traité. Maintenant il allait encore une fois falloir annoter tout ça. Passiflore Nurepois s’alluma une cigarette et, comme elle n’aimait pas fumer à l’intérieur, sortit dans la cour. Il faisait beau. Elle poussa le portillon.