vendredi 21 février 2020

Écrire et publier ou pas (13) (août à décembre 2001)


Je regarde un peu dans mon vieux Carnet vert pour me souvenir. En réalité, pendant toute cette rentrée de la sortie d’Une affaire de regard, je ne mollis pas. J’écris comme jamais, plus que je ne l’ai jamais fait jusque-là – ce qui n’est pas peu dire. J’écris Par temps clair, surtout ; j’écris aussi des textes brefs qui viendront nourrir Mémoires des failles. Mais avant ça, avant la sortie d’Une affaire de regard, je finis le 13 août 2001 la version remaniée de Croissance. J’ai définitivement assumé son caractère autoréférentiel en m’en faisant l’éditeur, au sens qu’on donnait à ce terme à l’époque classique. C’est devenu plus clairement encore le livre en train de s’écrire que je voulais, on y voit le roman, sur les dix ans de son écriture, en train de faire d’un jeune garçon de treize ans son auteur, un auteur, en même temps qu’il se fait lui-même, le livre, et son auteur qui n’est rien d’autre que l’œuvre de son œuvre ; voilà, c’est ça que je voulais. Je le tiens. En octobre, les articles sur Une affaire de regard ont déjà commencé à s’espacer ; je fais lire Croissance à Bertrand Visage. Je ne me le dis pas aussi clairement mais en réalité, c’est pour ça que j’ai écrit Une affaire de regard, pour qu’il soit publié et pour pouvoir publier Croissance. Et pour pouvoir publier ce que je veux ensuite. Il me dit que c’est très intéressant, il a sans doute d’autres mots, peut-être même plus élogieux mais je ne me souviens plus bien ; c’est très intéressant mais à titre personnel seulement, selon lui c’est strictement impubliable. Il me déconseille même de le proposer ailleurs. Encore maintenant, je suis incapable de dire si cela a un rapport avec la clause de préférence qui me lie au Seuil pour mes livres suivants. Mais je le crois, il est éditeur. A posteriori – on ne peut pas rester toujours strictement chronologique –, a posteriori je me rends bien compte à quel point ce texte, dans le contexte éditorial actuel, est difficile à publier. Est-ce à dire qu’il est « impubliable » ? C’est la raison pour laquelle ce devrait être les maisons les plus solides, financièrement parlant, qui devraient, de temps en temps, prendre ces risques. Mais ce n’est pour ainsi dire jamais le cas. Alors je me concentre sur Par temps clair. J’y crois, à ce roman. Comment on se retrouve à ne plus être du tout celui qu’on a été. Un truc vraiment darwinien. J’y crois de plus en plus.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire