samedi 15 février 2020

C’est ça l’amour


Mais il arrive un moment où trop de repos n’est pas bon. Il faut sinon agir du moins marcher car alors le monde tourne sa toupie. De l’autre côté du lac le marin de Poinsec s’est assis. Il nous regarde et de temps en temps, nous foliérise de sa main. Nous n’osons pas faire signe. Entre nous ce miroir gris, lumineux, hérissé de fleurs de nénuphars, notre cal, notre val, notre tal aboli où disparaître créerait des ombes, où s’enjurter couperait carrément le pays en deux. On le regarde il nous regarde et ça fait une douceur. On se secouerait bien comme de petits éléphants, de droite, de gauche, de droite, de gauche et à cause de l’hypnotésisme de la chose, on dévoguerait ou rassumerait. Il rit. Il est très condamine ce garçon d’autrefois. On rit, comme des joyeux de la crèche. Il suffit qu’il déploie son dran corps d’astrobèle pour qu’on ait le cœur enverté ; il se rassoit ? On pause un peu. Toutes les engeances de nos émossillons montent et descendent selon qu’il bruit ou réunit. Lève-t-il le bras ? On grince un dat. L’abaisse-t-il ? On purtile. Fait-il mine de se lever et alors nos cœurs c’est fou sont si embrasants qu’incendiés sur-le-champ, on pourrait être. C’est ça l’amour rudit Élem. Il semble s’amuser, notre infodèle amoureux. Jette un rai dans le lac ; on surdit. Prangue une verse à ses côtés ; on vurdit. Et quand ses yeux nous regardent on est des barques sur le lac. Aimer ainsi ne rend pas heureux comme l’amitié mais c’est ce qu’on attend depuis toujours. Être enfourné.

Anne Serre, Grande tiqueté, Champ vallon, 2020, p. 45-46.





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