Il y a à Figeac, patrie
de Jean-François Champollion et de Charles Boyer située à quelque
cinquante minutes d'hélicoptère de la Maison de Pure Fiction, une
belle librairie, le Livre en Fête, dans les rayons desquelles on a
pu me voir flâner, et où j'ai appris que Peter Handke, avec lequel
je me trouve quelques affinités qui vont au-delà d'une vague
paronymie patronymique – mon Pas Liev à mon sens doit moins
au Château de Kafka qu'à l'Angoisse du gardien de but au
moment du penalty –, j'ai appris disais-je que Peter Handke
venait sans m'en informer de faire paraître un essai sur ma
personne, car comment lire autrement un livre intitulé Essai sur
le fou de champignons ? Or voici qu'en défaisant mes
bagages j'ouvre le livre au hasard et que j'en ai quasi l'immédiate
confirmation :
« Sa première
époque de folie de champignons fut suivie d'une moitié de vie où
le monde des champignons n'eut plus guère d'importance pour lui. Et
si oui, ce fut plutôt dans un sens défavorable : après
l'acquisition d'une maison en ville – qui bizarrement se trouvait
isolée, bien loin des autres habitations de son quartier et
ressemblait plutôt à une ruine quand il y entra – proliféra dans
l'un des murs des fondations, très peu de temps après son
installation avec sa femme et son enfant, ce que l'on appelle la
mérule pleureuse, qui s'incruste dans le bois et le mortier,
descelle même les pierres de granit, et contre laquelle il n'y eut
rien à faire – il fallut abattre le mur (ce qui ne fit d'ailleurs
pas de mal à l'intérieur de la maison). » (p. 31, traduction
par Pierre Deshusses)
Je me souviens
parfaitement de cette immense champignon (il devait bien mesurer 1m50
de haut sur 1 m de large, que nous découvrîmes, ma femme et moi,
derrière notre armoire au moment non pas d'emménager mais de
quitter notre appartement pantinois (ce n'était pas une maison) ;
il y avait un gros problème d'infiltration dans le mur de la salle
d'eau. Est-ce une réminiscence ? je l'ignore – mais la mérule
pleureuse revint, Serpula lacrymans, hanter mes pensées au
point de devenir l'un des acteurs principaux de Monsieur Le Comte
au pied de la lettre dont le dernier chapitre, ce n'est pas
vraiment spoiler que de le révéler, s'intitule précisément « Les
larmes de la Mérule », et de faire un retour discret dans mes
toutes récentes Notes sur les noms de la nature :
Mérule pleureuse
est le nom qu’on trouve dans les livres
pour désigner
leur ennemi naturel.
(Un coup d’œil sur la
page de gauche (du livre de Handke) me ramène à des formes
mycologiques plus traditionnelles et moins inquiétantes, « répondant
au nom de "lépiotes élevées" ou "coulemelles" »,
j'imagine qu'en allemand aussi il change selon la sorte d'intérêt
qu'on porte à la chose, ici clairement gastronomique, encore une
fois je confirme : c'est bien « panés et frits à la
poêle comme des escalopes » que les chapeaux de coulemelle
doivent se déguster.)
Un peu gênée toutefois par la traduction, sachant que Handke n'est pas simple à traduire (phrases longues, incises etc). Mais parfois on s'y perd dans ce Fou. Ce qui est évidemment le propos mais la langue...J'ai tellement aimé les traductions de Goldschmidt. Suis-je vieux jeu?
RépondreSupprimerMa foi emporté par ma fougue j'ai écrit ce billet avant même de lire le livre. (Mais les traductions de Goldschmidt, oui !)
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