mercredi 21 mars 2012

Impressions Lucot 2006


Voici comment je vois les choses : depuis des années, un écrivain, Hubert Lucot, écrit un livre, le même. Mais un livre, c’est aussi un objet ; alors, à un moment, j’imagine qu’il s’arrête un instant, juste le temps d’expédier une liasse de feuilles à POL, qui en fait un livre, au sens où nous l’entendons habituellement. Un jour, l’un de ces « livres » me tombe sous la main, m’attire l’œil. Ça s’appelle Frasques, beau titre, j’ouvre, je jette un œil, tiens, ce sont des vers, bien centrés sur la page, je feuillette un peu, non, ce n’est pas un recueil de poème : très vite il y a un grand 1, et un titre de chapitre : « Morts, fraîcheur ». Fraîcheur, Frasques. Je sais déjà que le livre ne se limitera pas à une histoire de fredaines. Je lis :
 
« Villa fermée sur des herbes folles, grille rouillée écaillée. L’idée « Mort de Frank ».
Il vivait dans des locations souvent frustes… »
 
(Pendant que je lis la suite me poursuit cette phrase : « L’idée « Mort de Frank ». »)
Plus loin :
 
« La maison était basse, sa vétusté l’écrasait dans une impasse de poussière, l’escalier extérieur fait sonner la cloison. Forte femme, à l’odeur forte, la grand-mère de Frank repose dans sa mort proche en cet été 1950 : sable insistant déposé par l’obscurité, son lit-cage, dans un cadre piqueté de rouille et de mouches les moustaches de son mari mort il y a des décennies.
Quelqu’un dit : « c’est un peu comme si… » »
 
Si je me laisse aller je vais recopier le livre entier. En plus, ce n’est même pas celui dont j’ai promis la présentation.
Je n’ai jamais vu écrire ainsi. (Au fond de moi, un peu d’envie.) Déjà je sais que je ne m’arrêterai pas là dans ma lecture.
Je regarde la fameuse liste « du même auteur : », en fin d’ouvrage. Il y en a deux pages. Premières publications : 1969. C’est un monsieur qui a du métier. (Je comprends mieux, pour ses phrases. Quelque part, ça me rassure.) J’ai un peu honte de ne pas le connaître.
J’ai fini le livre, auquel, évidemment, je n’ai pas tout compris. Impression d’une visite en restant sur le seuil. De ne pas connaître tous les invités. (La réception était déjà commencée, quand je suis arrivé. Il faudrait que je reprenne tout depuis le début. Toute la lecture. Il commence où, le début ? Il faudra que je retourne voir la liste des titres, en fin d’ouvrage.) A-M, tout de même, femme de l’auteur, me devient vite familière. Et là, sur fond de mer, la silhouette crépusculaire de Jean-Edern  Hallier, que l’auteur appelle… comment l’appelle-t-il déjà ?
Je ne me souviens pas de tout ; j’ai lu ce livre en… « achevé d’imprimer : octobre 2001 » ; j’ai dû le lire début 2002. Puis j’ai lu Opérations, en 2003. Et Opérateur le néant, en 2005 ; que l’éditeur (ou l’auteur qui sait) a sous-titré « roman » ; c’est de l’humour, je me dis, et après tout, pourquoi pas ?
Si c’était moi, qui devais préciser le genre, qu’est-ce que je dirais ? Journal intime ? Mémoires ? L’intime et le public, la personne et le monde, le passé et l’actualité. Lucot, tobogannant, nous charrie de l’un à l’autre – on s’accroche, et c’est comme ça qu’on s’accroche, et qu’on lit l’opus suivant. Il me semble que, des trois textes évoqués, Opérations est le plus tourné vers le monde, théâtre où elles se jouent, et qu’Opérateur le néant serait le plus privé ; mais je n’en jurerais pas, je ne jurerais rien d’ailleurs de tout ce que j’ai pu dire, ce ne sont que mes impressions, en attendant la lecture du Centre de la France (2006).
 
Août 2006.
 
Et finalement, comme souvent et sans autre raison que le temps qui nous manque, j’ai enjambé le Centre de la France, et ne suis revenu sur ces terres qu’avec Allègements .
http://www.sitaudis.fr/Source/GF/operateur-le-neant-de-hubert-lucot.jpg

 

Commentaires

Lucot, juste un nom pour moi, mais tu redonnes envie d'aller voir, lire, intégrer.
Commentaire n°1 posté par Dominique Hasselmann le 21/03/2012 à 21h05
Même à moi ça me donne envie d'en lire un autre, tiens.
Réponse de PhA le 22/03/2012 à 17h50
J'aime bien : "je n'ai pas tout compris", "il faudrait que je reprenne tout depuis le début", "je ne me souviens pas de tout". C'est très encourageant. Et ça donne envie de se lancer dans l'aventure.
Commentaire n°2 posté par Anonyme le 22/03/2012 à 08h14
J'aime beaucoup ne pas tout comprendre, surtout à la première lecture, quand c'est le premier livre que je lis d'un auteur. Il me faut du dépaysement : en pays trop balisé, je m'ennuie.
Réponse de PhA le 22/03/2012 à 17h52

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