J’ai envie qu’on puisse lire un
extrait de Sharawadji, Manuel du jardinier platonique à travers mes Hublots. Sharawadji, depuis hier, c’est un livre – depuis hier en librairie – mais c’était déjà un livre
samedi dernier, tout chaud à peine sorti du four de l’Inventaire (c’est l’éditeur), quand aux côtés de son auteur (et même en duo !) j’ai
eu le plaisir de lire ceci :
Prologue
Je vous conseille de dessiner un jardin.
Petit
jardin de derrière ou de devant. Vaste perspective qui embrasse tout.
Arpent de terre adossé à une colline.
Beaux boulingrins bordés de buis. Carré de plantes ou de fleurs qui
peut être plus large que long. Jardin mexicain de dimension modeste.
Grand canyon tracé au tire-ligne entre ciel et terre. Ou
petits pots alignés sur le bord d’une terrasse d’où on aperçoit le
jardin et le jardinier voisins : il n’y a pas de limites au jardin. De
la disposition naturelle du terrain, de son
caractère, reliefs et accidents, de la qualité du sol, clément ou
non, du jardinier ou des jardiniers que l’on va choisir, des divers
avantages et inconvénients tous mesurés, dépendent : les
formes et l’étendue du jardin. Cependant, quelques principes connus,
en dehors de toute considération, peuvent présider à son établissement.
Le premier, que soit préférée la nature. Le
second, que l’on ne laisse pas tout voir. Le troisième, que l’on
fasse croire que tout est : plus grand, plus beau, plus haut, plus
nouveau, plus minuscule, plus merveilleux, plus différent,
plus lointain, plus proche et surtout : que l’on reviendra. Et
ainsi, tandis que les feuilles mortes tarissent les sources près de nous
et que les petites bottes rouges éloignent les saisons
de l’enfance, on avance et on découvre des espaces variés, des
perspectives que l’on ne soupçonnait pas – d’autant que le regard a
toute la liberté qu’il veut de dessiner d’autres détours que
ceux qui sont tracés entre les rochers en copaline où nous cheminons
les uns derrière les autres. Voyez le frangipanier ; on l’a déjà dit
ailleurs : c’est un arbre étrange à moignons
truffés de petites fleurs blanches ou roses aux pétales en forme
d’hélice qui : emportent loin les pensées.
Pascale Petit, Sharawadji, Manuel du jardinier platonique,
L’Inventaire, 2010, p. 13.
Sharawadji, c’est aussi un cri :
« Sharawadji ! »
criaient en signe de ralliement ceux de la secte des pittoresques pour
la beauté
qu’ils découvraient dans ces jardins où l’ordre de tout cet agrément
n’était pas discernable à l’œil. « Sharawadji ! » pour cette harmonie
et surtout pour l’absence de dessein qui
aurait dû présider à une telle perfection. « Sharawadji ! » Opposons
d’abord le sauvage au régulier et redisons bien l’absence de notre
dessein.
« Sharawadji ! »
Idem, p. 23.
Ou bien, pour dire ce qu’est Sharawadji, peut-être le plus simple est-il de dire ce que Sharawadji n’est pas :
Que
l’on ne s’y trompe pas, cependant. Ce livre n’est pas un livre de
jardinage, pas plus qu’il n’est un résumé de
botanique bien que l’on y apprenne entre autres choses que le mucron
est la petite pointe raide qui termine certains végétaux.
Ce
livre n’est pas non plus un traité d’entomologie et d’ornithologie bien
que l’on y apprenne encore que les
hémérobes n’aiment pas les chenilles, quoi faire contre les pucerons
blancs et les courtilières et même si on peut voir passer pinsons des
arbres, merles, gobe-mouches et autres
torchepots.
Un précis de philosophie ? Non plus, malgré ce qui vient d’être dit plus haut et ce qui sera dit plus tard et
même s’il semble parfois inspiré de L’essai du ruisseau des rêves de Monsieur Chen.
Un guide pratique, un manuel de savoir-faire et de sagesse populaire à l’usage de tous ? Encore moins, car on
y trouve finalement très peu de remède utile à des problèmes réels en dehors du cyanure de calcium.
Un livre de géodésie ? J’ignore ce que c’est.
Un manuel de conversation ? Il est vrai qu’il y est question du langage des fleurs et de certaines formes de
communication, mais non, voyons.
Un catalogue pour les magasins Lumpers Brothers ? Je plaisante.
Un
précis sur la quintessence de l’Eden ? Parce que l’on y apprend que
juin est le mois des fruits en rouge, des
p’tites cerises précoces et de la pomme confidentielle, comment
trouver le grand dans le petit et le petit dans le grand et que les
roses de Saint Isidore de Séville ne piquaient
pas ?
Pascale Petit, Sharawadji, Manuel du jardinier platonique, L’Inventaire, 2010, p. 15-16
Ou plus simplement encore : le lire. (Parce que moi, j’ai mon idée, mais je la garde pour moi.)
Elle me donne envie de crier : Shawaradji! avec une pelle et un râteau dans les allées d'un jardin plaNtonique!
Joli billet, qui donne envie...
Même dans un jardin planctonique, pourquoi pas.
(J'espère bien, qu'il donne envie : Sharawadji, c'est magique !)
D'autre part, Je viens enfin de trouver mon cri de ralliement! Merci!
Commentaire n°3 posté par Depluloin le 10/06/2010 à 19h21
Quant à son Jardinier, moi aussi j'ai un avis et le garde pour moi. Mais en catimini, un conseil d'amie, lisez-la !
Un moment, j'ai cru que PhA entendait le bêcher tout en long, en large et en travers (la terre ne ment pas) et que son blog allait se transformer en "liseuse" !
Heureusement, il reste sans doute encore des fleurs cachées.
(Quel joli miroir ce hublot...)
Sharawadji!!!!!!!!!!!!!!!!!!
(Seuls les pittoresques comprendront.)
Sharawadji !
(j'me vengerai un jour...)
(Oui, ce livre est tout simplement merveilleux.)